CBC #3 - Anh-Tho Chuong Degroote, l'aventurière
Anh-Tho Chuong Degroote, ex-VP Growth @Qonto, la néobanque B2B européenne
Chère lectrice, cher lecteur bonjour !
3ème édition de la newsletter C’est bon ça !, la newsletter qui t’envoie que du bon autour du (growth) marketing 🤟.
Aujourd’hui je reçois Anh-Tho Chuong Degroote, ex-VP Growth de Qonto, la néobanque B2B européenne pour les entreprises et les indépendants.
Pourquoi interviewer Anh-Tho ?
Yoann Lopez, le premier intervenant de C’est bon ça !, m’a recommandé de la contacter. Merci Yoann :)
Anh-Tho a construit le pôle growth marketing de Qonto depuis le jour 1. Elle en a fait une référence. Le reste appartient à l’histoire. SPOILER : Anh-Tho a réussi à faire passer le revenu mensuel moyen de Qonto de 0 à 1 million d’euros en 1 an et demi. 🚀 Solide.
Qonto est l’une des start-ups “star” dans l’écosystème français. Ils sont désormais plus de 250 employés répartis dans 4 pays : France, Allemagne, Italie & Espagne. Ils ont levé 136 millions d’euros depuis la création de l’entreprise en avril 2016.
Pendant que je faisais la formation de développement web Le Wagon en 2018, j’avais eu un coup de coeur pour le site de Qonto. Je m’en étais beaucoup inspiré pour le projet de fin d’études que je devais faire dans le cadre du bootcamp.
Je vous retranscris ci-dessous cet échange très riche et plein d’inspiration pour vous toutes et tous.
Allez, allons-y !
💌 Présentation de l’invitée
Ses études & formations
👧 Anh-Tho est née et a grandi à la Réunion où son père médecin a réussi à trouver un poste après avoir fui la guerre du Vietnam.
✍️ Après le baccalauréat, elle intègre d’abord une classe préparatoire B/L car elle est passionnée de sciences sociales. Elle change finalement en cours de route, n’ayant pas envie de devenir universitaire. Elle intègre alors la classe préparatoire HEC Stanislas à Paris et atterrit à l’ESCP.
Ses expériences professionnelles
🟠 Elle entre en alternance chez Orange pendant ses études en école de commerce afin d’être confrontée au monde de l’entreprise et d’apprendre sur le terrain. Au gré de ses différentes missions , elle se découvre une passion pour les télécoms, l’Afrique et le mobile money.
Le mobile money permet aux individus non-bancarisés de recevoir, conserver et dépenser de l’argent en utilisant leur téléphone portable.
🏦 Elle enchaîne avec une expérience de 3 mois à l’Atelier BNP Paribas à San Francisco où elle bosse sur des projets d’innovation digitale dans le secteur bancaire.
☎️ En janvier 2012, elle rejoint sur les conseils d’un de ses amis le graduate program de Millicom à Dubaï. Elle y restera 1 an. Millicom est une entreprise de télécommunications et de téléphonie mobile qui opère en Afrique et en Amérique Latine. Elle enchaîne des missions de 3 mois dans différents pays, notamment une mission de mobile money en République Démocratique du Congo. C’est une expérience très enrichissante, très opérationnelle mais également très difficile : elle a 22 ans, c’est la seule femme expatriée et elle doit éduquer des équipes sur des projets de mobile money dont ils ignorent tout.
👩💼 Après son expérience chez Millicom, elle souhaite rentrer en France pour se rapprocher de ses amis et de son futur mari. Elle intègre alors le bureau de McKinsey & Company à Paris en février 2013. Expérience très différente mais tout aussi enrichissante grâce à la grande concentration de gens ambitieux et intelligents réunis en un même lieu. Elle y a beaucoup appris. Cependant, elle ne se voit pas devenir associée et a donc du mal à se projeter à long terme dans ce métier.
📭 En février 2014, après une rencontre avec les cofondateurs du start-up studio eFounders, elle rejoint les équipes de Mailjet, une solution d’emailing pour les entreprises. C’est sa première expérience en start-up. Elle bosse sur plein de sujets différents comme le recrutement, la business intelligence, la levée de fonds … et commence à travailler sur des sujets de growth marketing.
🕸️ An août 2015, elle est chassée par Weebly, une plateforme de création et gestion de présence en ligne (sites web, blogs ou boutiques en ligne) ensuite rachetée par Square. Square est une entreprise américaine spécialisée dans le paiement mobile et le paiement électronique dont le fondateur est Jack Dorsey, le créateur de Twitter. Elle est embauchée pour lancer Weebly en France.
🦄 Elle rejoint finalement Qonto en septembre 2016 car elle trouvait dommage de bosser pour une boîte US en France alors que l’écosystème français était en pleine ébullition. Les cofondateurs de Qonto travaillent encore sur le MVP lorsqu’Anh-Tho les rejoint.
Un MVP (Minimum Viable Product) est un protype du futur produit qui se concentre sur ses fonctionnalités indispensables. Cela permet de tester rapidement si une idée trouve son marché et d’éviter de perdre du temps et de l’argent à développer un produit qui finalement n’intéressera personne.
Il n’y a que des développeurs et elle doit s’occuper de tout ce qui n’est pas du domaine technique. Avec le début de la traction, elle se concentre sur le marketing et le growth : branding, communication, partenariats, acquisition, monétisation. Un seul objectif : maximiser le Monthly Recurring Revenue (donc le nombre de clients et l’ARPU).
La traction, c’est le moment où la start-up dépasse le cadre du cercle amical et commence à intéresser des étrangers, la presse et les influenceurs grâce au bouche-à-oreille.
L’ARPU = Average Revenue Per User, le revenu moyen par utilisateur.
🧳 Septembre 2019, la trentaine est là et avec elle son lot d’interrogations. Il est temps de se lancer avant de se laisser happer par le confort de la situation. Après avoir hésité à se lancer dans le Venture Capital, Anh-Tho se décide à monter sa boîte. Son objectif : réussir à “craquer” un sujet utile socialement et qui connaît un problème de distribution.
Le Venture Capital, où le Capital Risque en français, est l’investissement dans des entreprises en cours de création ou très jeunes et non cotées afin de financer leurs premières phases de développement.
💸 Anh-Tho est actuellement en pleine réflexion. Elle a une grande appétence pour le SaaS B2B et la fintech. C’est donc sûrement dans ces secteurs d’activités que nous la retrouverons.
⏳ En attendant, elle a rejoint la 1ère cohorte d’OnDeck, un programme virtuel de 10 semaines où se retrouvent plus de 200 fondateurs du monde entier qui en sont tous au début de la création de leur prochaine entreprise. Elle conseille également certaines start-ups sur des sujets de growth marketing comme la start-up Pennylane.
🎙️ L’interview
1ère partie : Le (growth) marketing & toi
1️⃣ - Pourquoi travailler dans le growth marketing ?
J’adore ce métier car il combine à la fois la partie droite et la partie gauche de notre cerveau. C’est-à-dire que c’est un métier à la fois créatif et analytique. Et c’est cette combinaison des deux qui fait que ça fonctionne. C’est l’un des seuls métiers à combiner les deux parties de notre cerveau.
En plus, dans ce métier, on essaie de rentrer dans la tête des gens. Et ça fait appel à la partie de moi qui est toujours passionnée de sciences sociales. J’adore ça !
2️⃣ - Comment définirais-tu le marketing aujourd'hui ?
C’est comme du bon maquillage, ça ne se voit pas.
3️⃣ - Quelle a été ta plus belle réussite marketing ?
D’un point de vue purement marketing, d’avoir réussi à développer le revenu mensuel moyen de Qonto de 0 à 1 million d’euros en 1 an et demi.
Sinon, ma plus belle réussite est l’équipe que j’ai construite chez Qonto. Quand je vois la manière dont chacun a évolué et comment ils vont continuer à se développer par la suite, j’en suis très fière. L’exemple parfait, c’est ce que Julien Collet fait avec 4nontech, un blog pour développer ses compétences en growth marketing.
De manière plus globale, je suis fière d’avoir fait de Qonto la marque qu’elle est aujourd’hui. Il existe beaucoup de bons produits de néobanques B2B mais Qonto est la marque la plus connue aujourd’hui. Bien qu’il n’y ait pas que mon équipe qui ait participé à cette réussite collective, ce résultat continue de m’émerveiller.
2ème partie : formation & éducation
4️⃣ - Continues-tu à te former ? Si oui, comment t'organises-tu ?
Oui, mais pas formellement. Je lis des articles de personnes que je suis comme Lenny Rachitsky, l’ancien Growth Lead chez Airbnb.
J’ai suivi récemment une formation de product management sur Udemy parce que je travaillais avec le produit et que je voulais découvrir plus en profondeur leur métier pour mieux interagir avec eux.
J’avais également envisagé de faire Le Wagon à Bali mais la pandémie a mis un coup d’arrêt à ce projet.
Pour conclure, c’est plus un mix de lecture, de formation plutôt formelles et de rencontres car j’ai la chance de côtoyer plein de gens du secteur, comme Yoann Lopez par exemple, Alison Eastaway (VP People chez Sqreen), Amaury Sepulchre (MD chez eFounders), et j’en passe.
De toute façon, le mieux pour apprendre, ça reste de faire. Je ne sais pas si on peut apprendre en ne faisant pas.
5️⃣ - Comment fais-tu pour te tenir informée des dernières actualités en growth marketing ?
J’ai des listes sur Twitter. Après, je ne suis pas un bon exemple car j’ai beaucoup de potes dans les start-ups. Je finis un jour ou l’autre par être au courant des dernières nouveautés.
6️⃣ - Quelles sont les 3 "compétences dures / compétences techniques" indispensables pour réussir en growth marketing ?
Copywriting
Pas forcément de savoir développer du code mais d’arriver à le comprendre a minima.
Un bon sens des chiffres. Savoir définir la bonne structure d’analyse de données pour répondre à une question business. Et savoir traiter ces données sur un Excel ensuite.
7️⃣ - Quelles sont les 3 "compétences molles / savoir-être" indispensables pour réussir en growth marketing ?
Être assez structuré(e) pour savoir suivre les indicateurs qui comptent au bon moment. “Do things that don’t scale” d’abord et scaler quand il faut.
Le mot « scalabilité » vient de l’anglais « scale » qui signifie « échelle ». La scalabilité d’une entreprise signifie sa capacité à produire plus et à réaliser des économies d’échelle. Cette stratégie doit permettre d’adapter le business model à une forte croissance de l’entreprise et de passer en quelques temps du statut de start-up à celui de grande entreprise tout en restant performante et rentable. Source : Wydden.
Créatif au début …
… Analytique ensuite pour “scaler”.
C’est assez dur de trouver ça chez une seule personne.
8️⃣ - Ma question préférée : Compte tenu de ton expérience et de tes connaissances actuelles, qu'est-ce que tu dirais à un(e) élève de terminale qui souhaite travailler en growth marketing et qui veut se former de la meilleure manière possible ?
J’essaierais de me rapprocher de quelqu’un qui s’y connaît, travaille dans ce secteur mais qui n’est pas trop senior non plus. Je lui dirais que je veux juste l’aider.
Pour la petite histoire, quand j’ai rencontré Alex et Steve, les cofondateurs de Qonto, ils revendaient leur précédente boîte et ils commençaient à réfléchir à Qonto. Je leur ai proposé de faire la phase de découverte du produit avec eux, de faire les interviews pour le MVP. Je leur ai dit que je ne voulais même pas être payée pour faire cette phase avec eux. Je ne recommande pas forcément d’avoir cette approche, mais mon objectif était alors d’essayer d’absorber toutes les informations possibles et d’apprendre d’eux.
C’est pour ça que j’essaierais de lancer ou de travailler sur un projet dans la vraie vie même si ce n’est pas scalable.
3ème partie : carrière
9️⃣ - Comment as-tu construit ta carrière ? Avais-tu un plan ou pas du tout ?
Je n’avais pas de plan de carrière. Mes parents m’ont toujours dit d’être la 1ère de la classe, de faire des grosses boîtes. Mais après, j’ai tracé mon propre chemin au gré de mes rencontres et de mes emplois.
Ce qui est important, c’est d’être dans l’action. Je me suis orientée dans des domaines et emplois où l’on fait beaucoup de choses, où c’est très compétitif et ça change tout le temps. Pour moi, se confronter à plein de choses différentes est le meilleur moyen de découvrir ce que tu aimes ou pas, de savoir les gens avec lesquels tu aimes travailler etc.
Par exemple, pour reprendre mon cas, comme lorsque je suis passée de McKinsey à Mailjet, ça a été un grand changement, pas évident au départ (j’ai pris du temps à comprendre ce qu’était une API ! on était en 2013), mais ça m’a permis de me jeter dans le monde de la tech.
1️⃣0️⃣ - Qu'est-ce que tu regardes en 1er sur le CV d'un(e) candidat(e) ?
Pour un junior, les side-projects. Je recherche des personnes qui ont fait des trucs, des petits projets qui peuvent même n’avoir rien à faire avec le job qu’ils recherchent.
Avoir vaincu la petite appréhension de se lancer dans un projet, de se confronter au regard des autres, c’est une marque de volonté importante à laquelle je suis très sensible.
En entretien, je suis également sensible au niveau de débrouillardise des candidats lors de cas pratiques : la manière dont ils approchent des sujets déstructurés (arrivent-ils à avoir une analyse structurée justement ?), dont ils réagissent dans les moments stressants, les questions qu’ils posent.
1️⃣1️⃣ - Qu'est-ce que tu recherches en priorité chez un(e) potentiel(le) candidat(e) ?
Les profils que j’adore, ce sont les personnes ambitieuses, empathiques, analytiques et structurées. Elles doivent savoir gérer un projet et prioriser.
Le petit plus, ce sont les personnes curieuses et débrouillardes, prêtes à se lancer dans de nouveaux sujets. Ça, c’est bon.
Bonus
1️⃣2️⃣ - En recherchant des personnalités à interroger, je me suis rendu compte qu’il y avait finalement assez peu de femmes en growth marketing. Qu’en penses-tu ?
C’est un problème plus global de la place de la femme dans le monde de la tech.
Après, le growth marketing est encore très lié au marketing.
Il y a en revanche trop peu de modèles féminins, que ce soit au niveau des fondateurs, employés, ou VC. Il y a par exemple très peu de VC femme (en particulier au niveau des Partners) et cela change pas mal le ton de la conversation.
Les femmes ont une expression de l’ambition différente. Or les grilles de lecture des VC ont été construites historiquement sur la base de beaucoup de modèles masculins.
📌 Mon ressenti après cette interview
Je me suis enflammé la semaine dernière sur cette partie, je vous avais sorti un énorme pavé que personne n’a lu. La boulette.
Je vais synthétiser pour cette fois. Voilà ce que j’ai retenu de cette interview avec Anh-Tho :
L’importance de se développer un réseau : Que ça soit pour trouver de nouvelles opportunités où se former. C’est une source super importante d’opportunités.
Les bénéfices des side-projects. Faire est le meilleur moyen d’apprendre et de le montrer. Les side-projects s’imposent comme le nouveau facteur différenciant sur un CV, surtout si tu souhaites travailler en start-up ou dans l’univers de la tech. Pas mal d’initiatives émergent comme par exemple mangoUP qui aide les étudiants entrepreneurs à tester leurs idées et construire leur MVP.
Expérimenter. Trouver son chemin n’est pas forcément aisé, mais il faut se lancer. Anh-Tho a tout fait : grand groupe, consulting, start-up … Elle sait désormais dans quel environnement et avec qui elle préfère travailler et c’est une grande richesse.
Savoir être créatif ET analytique. Développer des compétences en analyse de données et traitement de données est de plus en plus un pré-requis pour travailler en marketing. Et la tendance ne risque pas de s’inverser donc file réviser tes cours de statistiques.
🏄 Alors, c’est bon ça ou c’est pas bon ça ?
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Je tenais à remercier Nathan et Julie pour leurs retours super constructifs sur les premières éditions et notamment le format. Du changement est à prévoir pour les prochaines éditions.
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Jean