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Ariane Web: Conseil d'État 455414, lecture du 11 août 2021, ECLI:FR:CEORD:2021:455414.20210811

Décision n° 455414
11 août 2021
Conseil d'État

N° 455414
ECLI:FR:CEORD:2021:455414.20210811
Inédit au recueil Lebon



Lecture du mercredi 11 août 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la délibération du 25 juin 2021 prise par la commission de contrôle des clubs professionnels de la DNCG - LFP, concernant l'examen de la situation du Paris-Saint-Germain (PSG) et aboutissant au refus de prendre des mesures à l'égard du PSG ;

2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision de l'assemblée générale de la Ligue de football professionnel (LFP) du 14 décembre 2019 renvoyant l'activation des capacités de sanction de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) au 15 mai 2023, et déclarer d'application immédiate les dispositions adoptées ce même jour par l'assemblée générale octroyant à la DNCG des capacités de sanction dans le cadre du i du 1 de l'article 11 de son règlement ;

3°) d'ordonner l'application immédiate des dispositions relatives au " fair play financier " telles que prévues par le règlement de la DNCG annexé à la LFP et adoptées par l'ensemble des ligues professionnelles de football européen ;

4°) à titre principal, de se substituer à la commission de contrôle des clubs professionnels de la DNCG et d'ordonner l'interdiction provisoire de recrutement à l'encontre du PSG en raison de la violation des ratios prévus par l'article 11 du règlement de la DNGG annexé à la LFP et, à titre subsidiaire, d'ordonner à la commission de contrôle des clubs professionnels de la DNCG d'effectuer un contrôle d'opportunité afin de s'assurer de la compatibilité du recrutement de Lionel B... avec les exigences du " fair play financier ", en accord avec l'annexe 11 de son règlement ;

5°) d'ordonner à la LFP la suspension provisoire de tout processus d'homologation du contrat signé entre M. C... B... et le PSG, dans l'attente des résultats du contrôle effectué par la juridiction administrative.


Il soutient que :
- il justifie d'un intérêt à agir dès lors que, en premier lieu, le F.C Barcelone est une association sportive catalane sans but lucratif appartenant à ses membres, qui disposent d'un pouvoir décisionnaire absolu sur ses activités, en deuxième lieu, les " socios " du F.C Barcelone financent le club à travers une contribution annuelle, qui leur offre en retour des droits de vote et d'autres avantages assimilables aux droits d'actionnaires dans le cadre d'une société " à but lucratif et, en dernier lieu, il est " socio " du F.C Barcelone depuis le 3 mars 2020, ce qui lui octroie un intérêt patrimonial direct en rapport à la situation de l'association et aux conditions à travers lesquelles la concurrence avec les autres clubs européens est organisée ;
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de sa requête dès lors que, d'une part, par convention conclue entre la Fédération française de football (FFF) et la Ligue de football professionnel (LFP), la gestion du football professionnel a été déléguée à la LFP, notamment chargée d'organiser, de gérer et de réglementer le championnat de Ligue 1 et le championnat de Ligue 2, d'autre part, la LFP est une association de droit privé qui exerce des prérogatives de puissance publique, notamment le contrôle de la situation financière des clubs de football professionnels ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, en premier lieu, la signature du contrat est prévue le 10 août 2021 à 17 heures, en deuxième lieu, le recrutement de M. C... B... par le Paris-Saint-Germain, annoncé comme imminent, méconnaîtrait les règles adoptées à l'échelle européenne afin de faire respecter le " fair play financier ", en troisième lieu, il provoquerait un déséquilibre irrémédiable au sein des compétitions nationales et internationales auxquelles le PSG participe et, en dernier lieu, ce recrutement produirait des conséquences économiques immédiates pour le F.C Barcelone, avec une perte estimée à un tiers des revenus du club, qui se répercuterait sur ses intérêts ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- les décisions contestées portent atteinte aux obligations conventionnelles et constitutionnelles relatives aux libertés économiques, notamment au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre dès lors que, en premier lieu, elles ont pour effet de fausser le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur de l'Union européenne, en deuxième lieu, elles méconnaissent les règles du " fair play financier " et, en dernier lieu, les mesures demandées dans sa requête ne porteraient atteinte à aucune liberté économique fondamentale ;
- ces décisions méconnaissent le principe de sécurité juridique dès lors que, en premier lieu, le i du 1 de l'article 11 du règlement de la DNCG ne permet pas d'établir avec certitude quelles sont les dispositions d'application immédiate et celles reportées au 15 mai 2023, en deuxième lieu, elles ne permettent pas d'établir un pouvoir de contrôle des ratios et de sanction de la DNCG, en troisième lieu, elles ne prévoient aucun délai de transition et, en dernier lieu, les établissements concernés par le " passe sanitaire " n'ont pas eu un délai suffisant pour s'adapter à ces nouvelles contraintes ;
- ces décisions portent atteinte au principe d'égalité dès lors que des différences entre les règlementations nationales au sein de l'Union européenne ont pour conséquence des déséquilibres fondamentaux entre deux acteurs économiques agissant dans le cadre du même marché ;

- ces décisions portent atteinte aux intérêts patrimoniaux du F.C Barcelone en ce que, d'une part, un tiers des revenus de l'association étaient directement dépendants de la présence de M. C... B... au sein du club et, d'autre part, la seule raison de la rupture des relations entre M. C... B... et le F.C Barcelone est la possibilité offerte au PSG de recruter M. C... B... du fait d'un contrôle défaillant de la DNCG et de la LFP sur ses obligations financières.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en oeuvre de l'une des procédures régies par le livre V du code de justice administrative que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même de la compétence directe du Conseil d'Etat. L'article R. 522-8-1 du même code prévoit que, par dérogation aux dispositions du titre V du livre III relatif au règlement des questions de compétence au sein de la juridiction administrative, le juge des référés qui entend décliner la compétence de la juridiction rejette les conclusions dont il est saisi par voie d'ordonnance, sans qu'il ait à les transmettre à la juridiction compétente.

3. M. D... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre plusieurs décisions de la Ligue de football professionnel, notamment de la commission de contrôle des clubs professionnels de sa direction nationale du contrôle de gestion. Ce recours n'est manifestement pas au nombre de ceux dont il appartient au Conseil d'Etat de connaître en premier et dernier ressort en vertu des dispositions de l'article R. 311-1 du code de justice administrative ou d'autres dispositions.

4. Il résulte de ce qui précède qu'il est manifeste que la requête de M. D... ne peut être accueillie. Par suite, sa requête doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... D....