Mathilde de Morny

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Mathilde de Morny
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Surnoms
Missy, Oncle MaxVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
YssimVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Père
Mère
Conjoint
Jacques Godart, 6e Marquis de Belbeuf (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Vue de la sépulture.

Mathilde de Morny, dite « Missy », « Yssim », « Oncle Max », « Max » ou encore « Monsieur le Marquis[1] », née le à Paris[2],[3] et morte le [3] dans la même ville[4] est une célébrité du Paris de la Belle Époque, qui porte le titre, par son mariage, de marquise de Belbeuf.

À la fois personnalité mondaine et artiste, Mathilde de Morny se fait remarquer par sa conduite jugée extravagante. Elle affiche ouvertement ses préférences sexuelles pour les femmes et entretient notamment une relation avec Colette. À cette époque où les amours féminines étaient relativement acceptées, elle est pourtant attaquée avec acharnement, surtout en raison de son attitude virile. Le port du pantalon par une femme pouvait scandaliser à une période où il n'était permis qu'après une autorisation dérogatoire accordée par l'autorité administrative pour motif particulier, comme par exemple pour l'artiste peintre Rosa Bonheur ou l'archéologue Jane Dieulafoy.

Biographie[modifier | modifier le code]

Mathilde de Morny (assise, à gauche) et ses cousines Troubetskoï.
Colette et Mathilde « Missy » de Morny.

Mathilde de Morny est le quatrième et dernier enfant de Charles Flahaut, duc de Morny, et de son épouse Sophie Troubetskoï. Mathilde reçoit peu d'amour de ses parents[5]. Elle découvre les plaisirs de la chasse avec son beau-père le duc de Sesto en Castille, où elle entretient sa première liaison lesbienne[5].

Elle épouse en 1881 Jacques Godart de Belbeuf, sixième et dernier marquis de Belbeuf[3], qui la laisse libre de poursuivre ces liaisons[6] et dont elle divorcera en 1903, au grand désespoir de sa mère[5].

Grâce à sa fortune, « Missy », comme elle est surnommée, entretient de nombreuses femmes à Paris, y compris Colette et Liane de Pougy, avec lesquelles elle a des relations amoureuses[7]. Colette, l'écrivaine libertine, y est encouragée par son mari Willy, endetté et infidèle[8].

Elles séjournent ensemble à partir de l'été 1906 au Crotoy dans la villa « Belle Plage »[9]. Colette y rédige Les Vrilles de la vigne et La Vagabonde, roman plus tard porté à l'écran par Musidora.

Le , elle se présente avec Colette sous l'anagramme d'Yssim dans la pantomime Rêve d'Égypte, au Moulin Rouge. Elle joue le rôle d'un égyptologue qui réveille une momie, jouée par Colette[8], en lui donnant un baiser. Le scandale est organisé par une cabale bien préparée[5]. À la première, une claque jette des projectiles tels que tabourets et cigarettes, et provoque une bagarre générale. Le préfet de police Louis Lépine suspend les représentations[3],[8]. Ce scandale dévoile au grand jour le comportement de Missy; sa famille la rejette alors et cesse tout soutien financier[7]. Colette et « Missy » fréquentent également le Palmyr's Bar, établissement pour homosexuels et lesbiennes tenu par Palmire Dumont[10].

Le , « Missy » et Colette signent enfin l'acte d'achat[notes 1] du manoir de Rozven à Saint-Coulomb en Bretagne, le jour même où la première chambre du tribunal de grande instance de la Seine prononce le divorce de Colette et Willy[3]. La maison est meublée aux frais de Missy[5]. Lors de leur séparation un an plus tard Colette conserve la propriété de la maison[11],[8].

« Missy » inspire à l'écrivaine le personnage de la « Chevalière » du roman Le Pur et l'Impur, publié en 1932 et qu'elle apprécie peu[8]. Colette dira d'elle : « La Chevalière » qui, « en sombre ajustement masculin, démentait toute idée de gaieté et de bravade… Venue de haut, elle s'encanaillait comme un prince ».

Mathilde de Morny se fait appeler « Max », « Oncle Max »[6] ou bien encore « Monsieur le Marquis » par ses gouvernants[3].

Elle porte alors un complet veston (tenue interdite aux femmes) et caleçon d'homme, le cheveu court, fume le cigare comme avant elle George Sand [12],[6]. Elle ira jusqu'à se faire retirer les seins et l'utérus[13],[14],[15].

Fin , elle tente de se suicider mais est sauvée[3]. Complètement ruinée, elle se suicide un mois plus tard le en mettant la tête dans le four de sa cuisinière à gaz[12] et meurt à trois heures de l'après-midi[3].

Ses funérailles sont prises en charge par Sacha Guitry[8]; elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise (54e division)[1].

Identité de genre[modifier | modifier le code]

Mathilde de Morny s'est fait connaître pour le fait de s'habiller en homme en public, ce qui était illégal à l'époque,

D'après Samia Bordji[réf. nécessaire] :

La Belle Époque appartient aux belles hétaïres, aux demi-mondaines majestueuses et aux grandes amazones : Liane de Pougy, Jeanne de Bellune, Hélène de Zuylen, Natalie Barney, Renée Vivien… qui toutes affichent ouvertement leur préférence, mais jamais aucune de ces dames ne portera le travesti. C’est là une particularité que Missy partage avec les rares femmes qui osent braver l’interdiction qui leur est faite de porter le costume masculin. Méprisant toutes les conventions, Missy, affirme sa virilité… Incapable de situer ce personnage inclassable, l’époque s’en tient à la condamnation. Missy, sorte d’énigme mondaine et sociale de la Belle Époque, ouvre douloureusement la voie à la vaste question du genre et de l’identité sexuelle.

Activité artistique[modifier | modifier le code]

Sous le pseudonyme d'Yssim (anagramme de Missy), elle fut sculpteur et peintre, élève du comte Saint-Cène[Qui ?] et du sculpteur Édouard-Gustave-Louis Millet de Marcilly, le père d'Édouard-François Millet de Marcilly sculpteur lui aussi.[réf. nécessaire]

Suite à tutelle, un buste en marbre anonyme (?) de "la marquise de Belbeuf, dite Missy" a figuré dans une vente aux enchères publiques à Cherré (72400) le 4 avril 2023 (reprod. coul. p.162 de "La Gazette Drouot" n°12 -24/03/2023).


Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. La propriétaire, la baronne du Crest, refuse la vente car la marquise est habillée en homme. « Missy » fait donc signer l'acte de propriété par sa compagne.« Une plage, une histoire : la Touesse à Saint-Coulomb, le refuge de Colette », sur France 3 Bretagne (consulté le ).

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b « Mathilde “Missy” De Morny (1863-1944) - Mémorial... », sur fr.findagrave.com (consulté le ).
  2. « Visionneuse - Archives de Paris : 1863 , Naissances , 07 », sur archives.paris.fr (consulté le ).
  3. a b c d e f g et h « Mathilde de MORNY (dite "Missy") » Accès libre, sur geneanet.org (consulté le ).
  4. « Visionneuse - Archives de Paris : 1944 , Décès , 16 », sur archives.paris.fr (consulté le ).
  5. a b c d et e Michel del Castillo, « Missy, le spectre de Colette », Le magazine littéraire, no 568,‎ (lire en ligne).
  6. a b et c Christine Rousseau, « Lettres à Missy, de Colette : Colette et son "velours chéri" », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
  7. a et b « Mathilde de Morny, la Belle et la Bête ? », France Inter - Au fil de l'histoire,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. a b c d e et f « Colette, l'ingrate libertine », sur Le Figaro, (consulté le ).
  9. « MORNY Mathilde de (1862-1944) », sur APPL, (consulté le ).
  10. Nicole G. Albert, « De la topographie invisible à l'espace public et littéraire :les lieux de plaisir lesbien dans le Paris de la Belle Époque », Revue d’histoire moderne & contemporaine, vol. 4, nos 53-4,‎ , p. 87-105 (lire en ligne)
  11. Frédéric Maget, président de La Société des Amis de Colette dans La Marche de l'Histoire, « Colette en ses demeures », .
  12. a et b Jérôme Garcin, « Les lettres de Colette à Missy », sur Le Nouvel Obs, (consulté le ).
  13. Pierre-Olivier Chaumet, Le transgenre, une histoire de tous les temps?, LEH édition, dl 2015 (ISBN 978-2-84874-612-8 et 2-84874-612-2, OCLC 920030560)
  14. Julie Guillot, « Entrer dans la maison des hommes. De la clandestinité à la visibilité : trajectoires de garçons trans'/FtM », Sociologie,‎ , p. 216 (lire en ligne, consulté le )
  15. « Ces 6 transgenres (connus et moins connus) qui ont marqué l'histoire », sur Europe 1 (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Fernande Gontier et Claude Francis, Mathilde de Morny. La Scandaleuse Marquise et son temps, Perrin, 2005.
  • Fernande Gontier, Homme ou femme ? La confusion des sexes, chap. 8, Paris, Perrin, 2006.
  • Colette, Lettres à Missy. Édition établie et annotée par Samia Bordji et Frédéric Maget, Paris, Flammarion, 2009.
  • François-Olivier Rousseau, Missy, Pierre-Guillaume de Roux, , 304 p. (ISBN 978-2-36371-149-6, BNF 45026449, présentation en ligne).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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