Une startup DeepTech vient comme son nom l’indique des " profondeurs de la technologie " autrement dit, elle puise son potentiel dans les savoirs académiques et scientifiques produits par les chercheurs dont nos centres de R&D publics français sont si bien pourvus. Ses fondations sont basées sur les briques technologiques qui en découlent.

Une startup DeepTech a pour ambition de transformer une invention c'est à dire une nouvelle capacité technologique en une innovation, c'est à dire dit une nouvelle opportunité d’usage. Force est de constater qu’elle porte intrinsèquement deux “nouveautés” et génère de ce fait beaucoup d'incertitude.

C’est à l’intersection de ces deux notions : capacité technologique et opportunité d’usage, que se situe les deux risques inhérents à une startup DeepTech : un risque technologique/R&D et un risque marché. Tout le potentiel des startups DeepTech et l'enjeu de leur accompagnement que l'appel à projet de bpifrance a pour ambition de professionnaliser, est de faire de ces deux risques des opportunités et atouts et non des handicaps.

Le risque technologique

Ce risque doit être transformé en atout technologique appelé communément, par l'approche du Lean Startup, " avantage déloyal ". Ce terme décrit bien le caractère unique/différenciant et difficilement reproductible du projet du fait de cette expertise inégalée de recherche qui a un atout indéniable au démarrage du projet pour consolider la barrière à l'entrée, gagner du temps et confirmer l’intérêt du marché. Un atout prometteur à l'heure où les "me too" sont nombreux et la concurrence acharnée. Un atout pour délimiter des espaces de marché "Océan bleu" fort attractifs pour les investisseurs.

Mais attention cet atout peut se révéler être un handicap. En effet combien de projets technologiques n'ont jamais trouvé leur marché :

  • une techno trop amont qui demande un effort considérable de R&D pour devenir utilisable et vendable. Le cas extrême de Theranos, startup qui a levé près d'1 milliard de dollars entre 2003 et 2018 et tout a été perdu sans ne jamais sortir aucun produit, décrit dans le livre “Bad Blood” deviendra sans doute une icône de ce qu’il ne faut pas faire en la matière.
  • une équipe trop techno qui n'arrive pas à sortir de son "fantasme" technologique et ne fait, comme on le dit dans la Valley, que "polir la pomme" avant d'oser la sortir au grand jour... et le jour où l’équipe le fait soit c'est trop tard, soit c'est à côté de la plaque ou plus précisément de l'usage. Inutile de citer des exemples, il s'agit là du biais le plus commun des startups de la tech !

Le risque marché

Ce risque correspond à celui d'une techno qui peine à trouver son marché. C’est le cas d'une techno (pas encore un produit) aux capacités très grandes mais qui "se cherche" ou plutôt qui cherche son usage le plus pertinent et prometteur. L’exemple de Dracula, une startup que notre partenaire Roland Pesty a accompagné, illustre ce “risque marché” et l’apport de la méthode Vianeo dans ce contexte. Sa technologie Layer® offre des capacités d'usage dans de multiples domaines allant du sport outdoor au luxe, en passant par la domotique. Comment choisir le marché sur lequel se focaliser ? Voilà tout l'enjeu d'un bon accompagnement "exploratoire" pour lequel comme le disait le fondateur, Brice Cuchon : "On a vraiment besoin dès le lancement du projet d'un pilotage de ses choix stratégiques". En effet, le foisonnement théorique des usages liés au différenciateur technologique peut se révéler très vite un piège empêchant de se focaliser et de mettre ses efforts sur l’espace marché présentant la plus grande opportunité.

Mais finalement la meilleure manière de transformer ces deux risques en deux atouts n’est-elle pas de s'assurer qu'à tous les instants techno et marché se parlent et se comprennent. Attention cette “entente” ne doit pas se faire en disant aux utilisateurs potentiels "J'ai la bonne solution, voilà ce que vous devez utiliser et faire" mais en les écoutant et en traduisant leur propre expertise et leur "avantage déloyal" en solution utilisable : "J'entends et je comprends ta situation, essaie cette techno et dis-moi si ça te va et comment on peut l'améliorer ensemble pour qu’elle te convienne encore mieux" !

L'un des meilleurs exemples en la matière fut la startup Seemage rachetée par Dassault Système dont la conception de l’offre a démarré dans les labos de Thalès Alenia Space à Cannes avec le Directeur de la R&D qui retroussait personnellement ses manches pour faire fonctionner la solution ! De par cette posture à la convergence de la capacité technologique et opportunité d’usage, la startup DeepTech pourra ainsi limiter les deux risques respectifs, par une vérification et une validation en continu de la réalité d'un usage et l’existence d’acheteurs potentiels. Ainsi même une startup DeepTech, aussi Deep et Tech soit-elle, doit être en mesure d’engager des acteurs du marché dans la conception de son produit et ce dès son lancement.

Séverine Herlin est CEO de Vianeo