L’accord politique entre l’Union européenne (UE) et la Chine a beau avoir été signé le 30 décembre, son contenu reste confidentiel. À Bruxelles comme dans les États membres, seuls quelques initiés proches des négociations ont pu lire ce très décrié « accord global sur les investissements » (AGI). Le texte sera publié ce vendredi 22 janvier.

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Quand l’accord a été signé, la Commission européenne n’a pas caché son soulagement, après sept ans de pourparlers. Pour sa présidente Ursula von der Leyen, aucun doute : il « offrira aux investisseurs européens un accès sans précédent au marché chinois » et « engagera la Chine à respecter des principes ambitieux en matière de durabilité, de transparence et de non-discrimination ». En résumé, « l’accord permettra de rééquilibrer nos relations économiques », promet-elle. Mais les opposants au texte, nombreux, en font une lecture bien différente. Résultat : l’accueil réservé à l’AGI est très mitigé.

Une « asymétrie » dans la relation

Pour comprendre, il faut revenir à mai 2013, quand la Commission a proposé d’ouvrir des pourparlers avec Pékin. L’exécutif européen faisait alors état de flux commerciaux « impressionnants », mais de « flux d’investissement inférieurs au potentiel que recèle la relation » sino-européenne.

Au fil des années et de la croissance chinoise, la problématique a changé, et c’est maintenant l’« asymétrie » dans la relation qui pose problème à l’Europe. Cette dernière reproche à la Chine de réduire l’accès à ses marchés aux entreprises européennes, et, sur place, de « compliquer la vie » – selon les termes employés par une source – aux investisseurs en leur imposant une série de contraintes (lourdeurs administratives, transferts forcés de technologie, obligations de former des coentreprises avec des firmes chinoises pour s’implanter, etc.). « La nécessité de rééquilibrage était flagrante », explique une source.

Problème autour des droits des travailleurs

L’UE a, par le biais de l’AGI, obtenu des engagements de la Chine en vue de libéraliser l’accès à certains secteurs. Des sources concordantes citent les télécommunications, la santé privée ou l’automobile (notamment les voitures électriques). Qu’a proposé l’UE en échange ? Mystère. « On est resté assez modeste dans notre offre car notre objectif était que la Chine s’ouvre », témoigne une source impliquée dans les pourparlers.

En plus d’une section dédiée à la transparence et au « level playing field », expression popularisée avec le Brexit qui renvoie à l’idée d’assurer des règles du jeu similaires pour tous, une partie de l’accord, sur le « développement durable », a donné du fil à retordre à l’UE. Elle a trait à l’environnement (la Chine se serait engagée à appliquer l’accord de Paris) et aux droits des travailleurs.

Mais le pays n’a pas encore ratifié les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui y sont consacrées. Pékin devrait avoir à « poursuivre ses efforts » en la matière. Or ces garanties sont trop faibles aux yeux de bon nombre d’eurodéputés, qui seront amenés à valider le texte (probablement début 2022).

Appels à la prudence

De manière générale, Marie-Pierre Vedrenne (Renew Europe) appelle à la « prudence dans la mise en œuvre de l’accord : il faut pousser les États et la Commission à mettre plus de moyens pour vérifier que les entreprises européennes ne participent pas indirectement au travail forcé et que les promesses d’ouverture chinoises sont respectées ». L’élue considère l’AGI comme « une brique » visant à concrétiser le concept « d’autonomie stratégique » cher à l’UE.

« Il faut un arsenal juridique pour que les règles soient respectées par tout le monde », ajoute-t-elle. Avec son mécanisme de filtrage des investissements étrangers, l’UE a fait un pas dans ce sens, idem avec l’accord avec la Chine sur les indications géographiques protégées (IGP) ou le « Livre blanc » de la Commission sur les distorsions causées par les subventions étrangères. La Commission devrait aussi proposer un texte visant à engager la responsabilité des entreprises dont les fournisseurs violent les droits humains, sociaux ou environnementaux.

Pour Éric Maurice, directeur de la Fondation Robert-Schuman à Bruxelles, « de tels outils sont nécessaires car la Chine n’est pas une puissance commerciale comme les autres. Elle utilise l’économie à des fins politiques et intervient régulièrement dans la vie de ses entreprises ». C’est, selon l’expert, aussi pour ces raisons que l’UE n’a pas négocié d’accord de libre-échange avec Pékin (qui aurait porté sur l’échange de marchandises, l’agriculture, la propriété intellectuelle, etc.) et qu’elle s’est limitée à un accord sur les investissements.