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Au Kazakhstan comme en Ouzbékistan, les évolutions politiques et économiques sont sous bonne garde

En Asie centrale, l’illusion d’un nouveau monde

La plupart des pays d’Asie centrale n’ont connu qu’un seul dirigeant pendant plusieurs décennies. Après le départ de ces autocrates, leurs successeurs tentent de garder le contrôle de transitions politiques à haut risque. Face à la pression de sociétés jeunes et inégalitaires, ils redoutent des scénarios comparables aux « printemps arabes ». Et hésitent entre ouverture et continuité.

Les passations de pouvoir déplaisent en général aux régimes autoritaires. En particulier, quand, à leur tête, se trouve un dirigeant tout-puissant contraint de céder la place en raison de son âge ou… de sa mort. Constitués d’institutions politiques fragiles ou jugées illégitimes par la population, la plupart des régimes d’Asie centrale ont connu ce type de conjonctures délicates ces dernières années. Souvent passés de secrétaire général du Parti communiste local à celui de premier président du pays après l’indépendance acquise en 1991, les hommes en place, après avoir occupé les plus hautes fonctions pendant plusieurs décennies, ont tour à tour quitté leur poste : Saparmourad Niazov au Turkménistan et Islam Karimov en Ouzbékistan sont respectivement décédés en 2006 et en 2016 ; le président Noursoultan Nazarbaïev, au Kazakhstan, a renoncé à la présidence à 78 ans, en mars 2019 ; même M. Emomali Rakhmon, 67 ans, commence à penser à sa succession à la tête du Tadjikistan après vingt-huit années de règne.

Le Kirghizstan fait figure d’exception. L’alternance politique s’y produit par une combinaison d’élections démocratiques et de révolutions populaires orchestrées par des élites divisées en fractions politiques qui s’opposent par leurs intérêts économiques et leurs loyautés claniques (Nord contre Sud). Deux gouvernements y ont été renversés, en 2005 puis en 2010. L’actuel régime du président Sooronbay Jeenbekov, élu en 2017, est loin d’incarner un modèle de pluralisme, mais, comparé à ses voisins, il reste plus démocratique, avec une opposition moins brimée et une société civile encore active.

Depuis le milieu des années 2000, plusieurs modèles de succession ont été expérimentés. Au Turkménistan et en Ouzbékistan, les « pères de la nation » ont rejoint la tombe sans avoir nommé d’héritier, du moins publiquement. Mais leurs remplaçants, respectivement l’ancien ministre de la santé Gourbangouly Berdymoukhammedov et l’ex-premier ministre Chavkat Mirziyoyev, déjà membres du sérail, ont su asseoir leur pouvoir, évinçant (...)

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Marlène Laruelle

Professeure à l’université George-Washington (Washington, DC).

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Jeudi 6 janvier 2022

Alors que l’on célèbre les trente ans de la disparition de l’URSS, l’espace post-soviétique connaît une nouvelle secousse. Après le Kirghizstan en 2019, la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan de 2020, le Kazakhstan traverse à son tour une zone de turbulences. L’augmentation du prix du gaz a provoqué les premières émeutes dans l’ouest du pays, sans que l’annonce gouvernementale d’un plafonnement des tarifs ne suffise à calmer la situation. La contestation, qui s’étend au reste du pays, a déjà fait plusieurs dizaines de morts, y compris du côté des forces de l’ordre. Dans la nuit du 5 au 6 janvier, les manifestants ont pris d’assaut les bâtiments administratifs de la capitale.

À l’appel du président Kassym-Jomart Tokaïev, l’organisation du traité de sécurité collective (OTSC) — l’alliance militaire forgée par le Kremlin dans l’espace postsoviétique — a envoyé pour la première fois de son histoire une « force collective de maintien de la paix » pour aider l’un de ses membres. L’Arménie, la Biélorussie, le Tadjikistan et, surtout, la Russie contribuent au contingent, sans qu’on sache encore si le Kirghizstan se joindra à eux (voir cette carte de l’Asie centrale).

Cette explosion sociale, catalysée par la crise économique et sanitaire, n’a rien d’étonnant. Marlène Laruelle, spécialiste de la région, rappelait en 2020 qu’au Kazakhstan, pays très inégalitaire à la démographie dynamique, « le risque d’une “expansion des jeunes” qui ferait exploser le système social et politique, sur le modèle des “printemps arabes” [était] dans tous les esprits ».

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