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© Danielle Bonardelle - stock.adobe.com

La réforme de 2008 sur la modernisation des institutions

Temps de lecture  10 minutes

Par : La Rédaction

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 sur la modernisation des institutions se distingue par son ampleur puisqu'elle a modifié une trentaine d'articles de la Constitution et introduit neuf nouveaux articles. Cette révision est l'une des plus importantes et la vingt-quatrième de l'histoire de la Ve République.

La réforme constitutionnelle de 2008 a été engagée sous l’impulsion du président de la République Nicolas Sarkozy, qui avait annoncé durant sa campagne électorale vouloir rénover et adapter "aux nouvelles exigences des démocraties modernes" les institutions de la Ve République.

Un Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, présidé par Édouard Balladur et composé de personnalités politiques et de constitutionnalistes, est mis en place en juillet 2007. Le rapport du Comité, remis en octobre 2007, inspire le projet de loi constitutionnel sur la modernisation des institutions.

Donner plus de pouvoirs au Parlement, encadrer certains pouvoirs du président de la République, accorder de nouveaux droits aux citoyens : tels sont les trois axes de cette loi constitutionnelle, adoptée par le Congrès le 21 juillet 2008 et promulguée le 23 juillet 2008.

Le renforcement des pouvoirs du Parlement 

Les pouvoirs du Parlement avaient été limités par la Constitution de 1958 pour mieux renforcer les capacités d’action du gouvernement. L'objectif était alors de rompre avec l'instabilité ministérielle des précédentes Républiques. La révision constitutionnelle de 2008 a profondément modifié les règles de ce parlementarisme rationalisé afin de rééquilibrer les pouvoirs au profit du Parlement.

Le partage de l'ordre du jour

Le renforcement des pouvoirs du Parlement se traduit par un partage de l’ordre du jour entre l'exécutif et le législatif. Avant la loi constitutionnelle de 2008, c'était le gouvernement qui fixait la liste et l’ordre dans lequel il souhaitait que chaque assemblée examine les projets et propositions de loi. Désormais, le gouvernement est maître de l’ordre du jour 15 jours par mois, la majorité parlementaire 14 jours et l’opposition un jour (art. 48).

Une priorité d'inscription à l'ordre du jour est accordée à certains textes du gouvernement, comme les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ou les textes transmis par l'autre assemblée depuis au moins six semaines.

En outre, la réforme de 2008 a introduit dans la Constitution l’article 34-1 qui autorise les parlementaires à voter des résolutions dans lesquelles ils expriment leur avis sur une question déterminée. Le gouvernement a la faculté de déclarer ces résolutions irrecevables avant leur inscription à l’ordre du jour s’il estime qu'elles sont de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard.

Un rôle plus important des commissions parlementaires

L'article 43 de la Constitution dispose que les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à des commissions parlementaires permanentes, chacune étant spécialisée dans un domaine : affaires économiques, éducation, développement durable... Limité à six dans chaque assemblée avant la réforme de 2008, le nombre de ces commissions permanentes passe à huit.

Afin d'accorder aux commissions un temps d'examen suffisant des projets et propositions de loi, la réforme de 2008 a imposé un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen en première lecture devant la première assemblée. Ce délai est ramené à quatre semaines entre la transmission du texte et son examen devant la seconde assemblée (art. 42).

Autre évolution importante, la discussion en séance publique porte dorénavant sur le texte adopté par la commission permanente et non plus sur celui du gouvernement, sauf pour les projets de révision constitutionnelle, de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

Limitation de l'article 49-3

L’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution, qui permet l’adoption sans vote d’un projet de loi si aucune motion de censure n’est votée, est limitée aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Le Premier ministre peut recourir à cette procédure pour un autre texte, mais seulement une fois par session parlementaire.

Avant cette révision de la Constitution, le gouvernement pouvait avoir recours à l'article 49-3 aussi souvent qu’il le voulait et sur n’importe quel texte.

Le référendum d'initiative partagée (RIP)

Le président de la République n'est plus le seul à pouvoir décider de l’organisation d’un référendum. La réforme de 2008 a instauré une nouvelle forme de référendum qui repose sur une initiative parlementaire soutenue par les citoyens, c'est le référendum d'initiative partagée (art. 11). 

Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi, présentée par un cinquième au moins des membres du Parlement. Elle ne doit pas viser à abroger une disposition législative promulguée depuis moins d'un an et doit porter sur :

  • l’organisation des pouvoirs publics ; 
  • des réformes économiques, sociales ou environnementales ; 
  • l’autorisation de ratifier un traité qui pourrait avoir une incidence sur le fonctionnement des institutions.

Saisi de cette proposition de loi, le Conseil constitutionnel en contrôle la conformité à la Constitution. Celle-ci doit ensuite être soutenue par au moins un dixième des citoyens français inscrits sur les listes électorales pour conduire à un référendum. Les soutiens sont recueillis sous forme électronique.

Après l’obtention des soutiens nécessaires, ce n’est que si cette proposition de loi n'est pas examinée par le Parlement dans un délai de six mois que le Président de la République devra la soumettre à référendum.

Les modalités d’organisation du référendum d'initiative partagée ont été fixées par une loi ordinaire et une loi organique du 6 décembre 2013. Le dispositif est entré en vigueur au 1er janvier 2015. 
 

Un contrôle parlementaire renforcé

La Constitution confie explicitement au Parlement la mission de contrôle du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques (art. 24). Le Parlement est assisté dans sa mission par la Cour des comptes (art. 47-2). 

L’importance des commissions d’enquête a été confirmée par l’ajout dans la Constitution de l’article 51-2 qui leur donne un fondement constitutionnel. Ces commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir des éléments d’information et contrôler l'action gouvernementale.

Les projets de loi, c'est-à-dire les textes à l’initiative du gouvernement, doivent obligatoirement être accompagnés d'une étude d'impact (art. 39) qui répond aux conditions fixées par une loi organique. Cette évaluation préalable doit permettre de mesurer les incidences économiques, financières, sociales et environnementales des réformes envisagées dans le cadre des projets de loi.

Certaines politiques publiques dépassant les limites de compétences des commissions permanentes, il a semblé nécessaire qu’elles soient soumises au contrôle d'un organe spécifique. Un Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a donc été mis en place en 2009 à l'Assemblée nationale.

L'encadrement des pouvoirs du président de la République

S’agissant de l’exécutif, la loi constitutionnelle de 2008 encadre la plupart des pouvoirs du Président. 

Mais cette loi accorde aussi au chef de l'État la possibilité de s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles (art. 18). Traditionnellement, le Président ne pouvait s’adresser aux assemblées parlementaires qu’à travers des messages écrits. Son discours peut être suivi, en son absence, d’un débat sans vote.

Limitation du nombre de mandats successifs

Si la réforme du quinquennat en 2000 avait permis de réduire la durée du mandat présidentiel, elle n'avait pas remis en cause la possibilité pour un candidat à la présidence de la République de se présenter autant de fois qu'il le souhaitait. Depuis la réforme de 2008, la Constitution précise que "Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs" (art. 6), soit dix ans de fonctions pour un Président réélu. 

Le pouvoir de nomination

Les nominations à certains emplois et fonctions ayant une importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la nation se font dorénavant après avis de commissions permanentes compétentes à l'Assemblée nationale et au Sénat. Leurs membres peuvent exercer un droit de veto lorsqu'une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés s'oppose au choix présidentiel (art. 13). 

Les pouvoirs exceptionnels 

Les pouvoirs exceptionnels, que le président de la République tient de l’article 16 et qui lui permettent d'exercer les pleins pouvoirs en cas de péril national, sont limités à trente jours

Le pouvoir judiciaire

Le Président ne dispose plus du droit de grâce collectif qu’il exerçait généralement à l’occasion du début de son mandat ou le 14 juillet. Son droit de grâce ne concerne plus que les cas individuels (art. 17).

Il ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature (art. 65). Le CSM est désormais présidé par le premier président de la Cour de cassation ou le procureur général auprès de celle-ci.

Le pouvoir diplomatique et de défense nationale

Le président de la République, en sa qualité de chef des armées, décide toujours de l’emploi des forces françaises. Mais le gouvernement doit informer le Parlement de sa décision d’envoyer des forces armées à l’étranger dans les trois jours après le début de l’intervention. Si celle-ci dépasse quatre mois, le gouvernement doit soumettre sa prolongation à l’autorisation du Parlement (art. 35).

En cas de divergence entre les deux assemblées, le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

De nouveaux droits pour les citoyens

Le texte consacre de nouveaux droits en faveur des citoyens :

  • le droit pour tout citoyen de contester une loi lors d'un procès s'il estime qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution, en posant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil Constitutionnel (art. 61-1). Avant cette réforme, il n’était pas possible de contester la conformité constitutionnelle d’une loi déjà entrée en vigueur ;
  • la création d’un Défenseur des droits notamment chargé de recueillir les réclamations des personnes qui s’estimeraient lésées par le fonctionnement d’un service public (art. 71-1)
  • la possibilité de saisir par voie de pétition le Conseil économique, social et environnemental (art. 69). Ces pétitions doivent rassembler au moins 500 000 signatures pour être recevables par le Conseil. Les conditions sont fixées dans la loi organique du 29 juin 2010.