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Législatives

Au Portugal, un triomphe absolu pour le socialiste António Costa

Contraint à des élections anticipées à la suite d’une mésentente avec ses partenaires de gauche, le patron du Parti socialiste revient en force à l’Assemblée avec la majorité absolue des sièges. L’extrême droite devient la troisième force du pays.
par François Musseau, correspondant à Madrid
publié le 31 janvier 2022 à 9h30

Plus que jamais, le sexagénaire António Costa mérite son surnom de «politique Duracell». Dimanche, le leader socialiste a déjoué tous les pronostics en emportant haut la main les législatives portugaises anticipées. Son parti obtient la majorité absolue au Parlement. Les sondages auguraient pourtant d’une lutte à l’arraché avec son rival de centre droit, Rui Rio. Selon des résultats partiels portant sur toutes les circonscriptions sauf celles de l’étranger, qui élisent quatre députés, le Parti socialiste est arrivé en tête avec 41,7% des voix et au moins 117 sièges sur un total de 230. Le PSD de Rui Rio est en net recul et pourrait contraindre son chef à la démission.

Les commentateurs avaient pourtant estimé que Costa menait une campagne catastrophique, mélange de pose victimaire et d’arrogance. Il n’en est rien. Les Portugais ont majoritairement renouvelé leur confiance à cet homme dont émane une notoire force tranquille. Ancien maire de Lisbonne entre 2007 et 2015, António Costa devient le Premier ministre avec la plus importante longévité politique depuis le retour de démocratie qui a balayé la dictature de Salazar en 1974. L’autre grande surprise de ce scrutin est la forte progression de l’extrême droite, désormais troisième force parlementaire.

En 2015, lorsque António Costa accède au poste de Premier ministre, cet homme politique d’origine indienne a arraché un accord inédit, une sorte d’entente entre les trois forces de gauche, son Parti socialiste (PS), le vieux Parti communiste encore très implanté et le Bloque de gauche, équivalent portugais de La France Insoumise. Cette alliance entre frères ennemis avait alors reçu le nom de «geringonça», «un machin».

Coudées franches

En 2019, une courte victoire socialiste avait ravivé cette entente tripartite. Mais, parce que communistes et Bloc de gauche se sont opposés au budget 2022 d’António Costa, ce dernier a dû convoquer des législatives anticipées, tenues dimanche soir. L’électorat a puni les deux alliés de gauche pour ce refus : le Bloc perd 16 députés, et les communistes 8. Une véritable déconfiture.

A droite, le leader de l’opposition, Rui Rio, a vu grignoter ses sièges par l’ascension des libéraux, aidés par l’éloquence de leur chef de file, João Coutim Figueiredo, et par la percée attendue des ultras de Chega emmenés par André Ventura, fou de joie dimanche soir.

António Costa, à la tête d’un des rares partis socialistes au pouvoir en Europe, peut se frotter les mains : il va désormais pouvoir gouverner avec les coudées franches. Et, hormis la très élevée dette publique, profiter d’une conjoncture plutôt favorable, avec un chômage à seulement 6%, une croissance de 5,8% prévue pour cette année, et l’avantage de disposer des 16 milliards d’euros du plan de relance européen.

Décrit comme un homme pragmatique, s’entendant à merveille avec le président conservateur, Rebelo de Sousa, António Costa a su mobiliser une bonne partie des 1,2 million de malades du Covid qui, pour l’occasion, avaient reçu l’autorisation de se déplacer aux urnes dimanche. De manière générale, les Portugais ont montré leur intérêt pour ce scrutin, la participation (57%) ayant pour la première fois progressé depuis 2005. Une mobilisation qui légitime d’autant le nouveau sacre d’António Costa.

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