La science économique au service de la société

Quelle valeur les consommateurs donnent-ils aux produits alimentaires issus de l’édition génomique ?

Lien court : https://bit.ly/3sHdEeJ

Stéphan Marette, Anne-Celia Disdier* et John C. Beghin

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L’émergence de nouveaux outils biotechnologiques a mené à la création de nouveaux aliments et à la modification des attributs des produits agricoles. Ces outils comprennent des techniques fondées sur les répétitions palindromiques courtes, groupées et régulièrement espacées (CRISPR), les nucléases effectrices de type activateur de transcription (TALEN) et d’autres, communément appelées techniques d’édition génomique (EG). Il s’agit d’outils précis permettant de modifier le génome des plantes, à partir du génome même de ladite plante ou du génome de plantes apparentées par cisgénèse (1). Toutefois, l’acceptabilité par la société de ces nouvelles techniques de sélection est une question essentielle. Il est concevable que les consommateurs expriment des préoccupations d’ordre éthique à l’égard de la biotechnologie et de ces nouveaux aliments dotés d’attributs biotechnologiques ou les délaissent, principe de précaution oblige. Plusieurs questions se posent alors : premièrement, les consommateurs verront-ils du même œil les nouveaux aliments basés sur la technique EG et les aliments génétiquement modifiés (GM) ? Deuxièmement, de quelles manières seront-ils informés et dans quelle mesure l’information conditionnera-t-elle leurs préférences ?

Dans un article récent, Stéphan Marette, Anne-Celia Disdier et John Beghin contribuent au débat sur l’acceptation des produits alimentaires issus de la technique EG, en se penchant sur un nouvel attribut spécifique de qualité appliqué aux pommes et visant à inhiber le brunissement et les meurtrissures des fruits coupés. Cette innovation est intéressante et pertinente, en particulier car les pommes Arctic® qui sont des pommes qui ne brunissent pas, créées par cisgénèse sont sur le point d’être commercialisées aux États-Unis. Les auteurs mettent en parallèle l’acceptation des consommateurs de deux pays différents (la France et les États-Unis), dans lesquels la polémique sur les OGM a fait rage. La France illustre de façon radicale le comportement européen. Pour ce faire, ils analysent les dispositions à payer des consommateurs pour ces nouvelles pommes, par rapport à celles exprimées pour les pommes conventionnelles.

Marette, Disdier et Beghin constatent que les consommateurs français n’accordent pas de valeur à l’innovation et même la dévalorisent lorsqu’elle est issue de la biotechnologie (EG et OGM). Les consommateurs américains à l’inverse valorisent l’innovation, tant qu’elle n’est pas issue de la biotechnologie. Dans ces deux pays, la décote la plus manifeste, soit le boycott par les consommateurs du produit, s’observe pour les pommes GM, suivies des pommes EG. Cependant, la décote est plus faible chez les consommateurs américains que chez les consommateurs français. Les attitudes favorables envers les sciences et les nouvelles technologies compensent totalement la décote des pommes EG. Enfin, la littérature souligne que la disposition à payer est fortement influencée par le choix des mots et le message d’information fourni aux consommateurs. Si ces derniers sont trop sollicités, l’effet marginal des informations supplémentaires reçues disparaît, ce qui plaide en faveur de messages courts. En outre, concernant les messages explicatifs ou les recommandations à l’intention des consommateurs, la sélection de mots exprimant différents points de vue semble être déterminante dans le contexte des biotechnologies alimentaires (2). Les auteurs montrent que les consommateurs français réagissent positivement à des messages plus longs sur l’EG et les OGM, avec une décote plus faible sur les pommes nouvelles, par rapport à leurs évaluations dans le cadre de messages courts. En revanche, les consommateurs américains ne semblent pas être systématiquement influencés par la longueur du message.

(1) La cisgénèse désigne la mutation génétique d’une plante obtenue en utilisant des gènes de plantes avec lesquelles la plante originale peut se reproduire sexuellement.

(2) Rousu, M. C., Huffman, W. E., Shogren, J. F., & Tegene, A. (2007). Effects and value of verifiable information in a controversial market : Evidence from lab auctions of genetically modified food. Economic Inquiry, 45, 409-432.

Tire original de l’article : A comparison of EU and US consumers’ willingness to pay for gene-edited food : Evidence from apples
Publié dans : Appetite 159 (2021) 105064
Disponible via : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S019566632031686X

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* Chercheur PSE

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