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On a testé… « Heave Ho », le jeu vidéo le plus drôle de l’année

Crampes au doigt, entraide foutraque et larmes de rire, c’est l’inattaquable menu de cette petite production française.

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Publié le 07 septembre 2019 à 11h00

Temps de Lecture 4 min.

Bonjour, et bienvenue dans un test où il va s’agir d’expliquer l’indicible : des fous rires. Merci d’accrocher vos ceintures.

« Fais l’araignée, Robert Hue, fais l’araignée ! » « Allez, on gaine ! Contractez vos abdos, les patates, on fait la perche. » « Je viens de voir passer un rabbin volant, il s’est accroché à mon menton in extremis. »

Ces phrases ont toutes été prononcées, entrecoupées d’éclats d’hilarité collégiale, de râles de tension et de grands soupirs de soulagement. On serait bien en peine de les expliquer : il n’y a ni araignée, ni abdominaux, ni Robert Hue dans Heave Ho, la petite production des Français du Cartel, sortie fin août sur Switch.

Et pourtant, dans le contexte entendu d’une pause déjeuner ou d’une soirée sans eau, on vous jure, elles avaient l’air d’avoir du sens.

Comment expliquer ? Disons que vous êtes une forme rondelette – une patate, selon un estimé collègue que le respect nous interdit de nommer ici. Mais pas n’importe quelle patate s’il vous plaît : une patate avec un visage, et des bras. Des visages de toutes sortes – telle une tâche de Rorschach, on y a vu John McEnroe, Robert Hue, Marine Le Pen ou encore Rabbi Jacob, autant de surnoms qui jailliront immanquablement au moment de vous organiser.

Trapézistes ivres

Seul, ce qui est modérément drôle, mais surtout à deux, trois, ou quatre, ce qui est l’assurance de franches crampes aux abdos, votre mission est en effet d’aller, à la force de vos mimines, jusqu’à un demi-cercle faisant office de ligne d’arrivée.

Et croyez-en notre expérience : ce n’est pas facile de se mouvoir quand on est une patate à deux bras. On rampe, on s’agite, on s’étend, on s’accroche, on tente de faire de l’alpinisme patatier, on se suspend, on se balance, on est Tarzan, Travolta, Spider-Man, enfin on essaie. Le plus souvent, on est surtout mort, tombé dans le vide avec la grâce d’une fiente sans projet, les bras criant à l’aide, pour un saut mal dosé, une réception ratée, un bras ami qui s’est révélé pas si fiable que ça. Un échec, qui en appellera probablement d’autres. On réapparaît aussi, on se remotive les mimines, on repart. Avec ce principe, qu’on apprend vite à ne pas oublier : lâcher le bouton, c’est lâcher prise.

Patates multicolores flippées.

Oh, ce n’est pas une course. Le jeu chronomètre bien le temps de parcours, mais il ne s’arrête que lorsque tous les participants sont arrivés au pied du drapeau à damier. L’astuce, c’est de collaborer. Se donner la main, former des chaînes patatières, devenir liane, pont, perche ou filet. Chaque partie ressemble ainsi à une sorte de chorégraphie désordonnée de trapézistes ivres, ponctuée de courts geysers de peinture à chaque chute. Oui, c’est vrai, il nous a parfois fallu plus de quinze minutes pour finir un tableau, et c’était toujours la faute de l’autre, promis. Mais quel sentiment de fierté collective quand l’harmonie se fait, que les patates accrochées les unes aux autres se font quatuor de ballerines, et que le chronomètre passe sous la minute.

Lama pétomane

Comme le dira un estimé supérieur dans un soudain accès de sérieux, « Heave Ho, c’est un jeu de team building ». C’est, aussi, un de ces titres qui vous dira beaucoup sur la psychologie profonde de vos camarades de jeu. Il y a les organisateurs, les solistes, les timides, les virtuoses, et les pires de tous, les chaotiques-neutres, les farceurs. Ils sont haïssables, c’est vrai. Mais soyons honnêtes, comment résister à la tentation, quand on est premier de cordée, là, pendu au-dessus du vide, avec trois camarades en dessous, de lâcher prise, juste pour le plaisir enfantin de voir quatre patates misérablement choir de concert et s’écraser dans une gerbe multicolore ?

Scène de carnage.

Parfois, des volatiles traversent le ciel, et déposent une petite fiente nonchalante sur les plates-formes. A d’autres moments, c’est un lama géant pétomane qui s’oublie, et pollue l’écran d’un gaz qui tient surtout du brouillard. A force d’avancer dans des niveaux aux couleurs de la jungle, d’un canyon, d’un cirque ou du Japon, on débloque des costumes bizarres – skieur, rastaquouère, père Noël. Peut-être pas assez pour assurer suffisamment de renouvellement sur le long terme – on finit fatalement par progresser, et les niveaux auraient gagné à être plus souvent aussi foufous que celui aux plates-formes invisibles, pour maintenir l’imprévisibilité qui fait le charme du jeu.

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Le plaisir de courir après les records du meilleur temps offre un second degré de pratique au jeu, quoiqu’il soit moins rigolo. De même, le mode solo est à peu près aussi plaisant qu’une fondue savoyarde en solitaire : on se régale, certes, mais quand même, on se sent un peu seul à table. Rien toutefois qui doive minorer l’exquis plaisir de découvrir Heave Ho, haut la main le jeu vidéo le plus drôle de l’année.

En bref

On a aimé :

  • N’importe qui peut jouer
  • La physique loufoque des patates
  • Les parties à plusieurs, à pleurer de rire

On n’a pas aimé :

  • Les niveaux auraient pu être plus variés et foufous
  • Forcément moins drôle seul
  • Gare aux crampes de doigt

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous avez un séminaire professionnel à organiser
  • Ou trois compères à distraire
  • Vous êtes un speedrunner dans l’âme

C’est plutôt pas pour vous si…

  • Il est hors de question d’incarner une patate cul-de-jatte qui ressemble à Robert Hue

La note de Pixels :

Il a délogé Mario Kart 8 et Towerfall aux pauses déjeuner/10

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