Emmanuel Macron et la tentation de la non-campagne

Comme tous les candidats, Emmanuel Macron doit faire part de ses intentions auprès du Conseil constitutionnel avant ce vendredi à 18 heures. ©AFP - Ludovic Marin
Comme tous les candidats, Emmanuel Macron doit faire part de ses intentions auprès du Conseil constitutionnel avant ce vendredi à 18 heures. ©AFP - Ludovic Marin
Comme tous les candidats, Emmanuel Macron doit faire part de ses intentions auprès du Conseil constitutionnel avant ce vendredi à 18 heures. ©AFP - Ludovic Marin
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Le président sortant doit déclarer sa candidature avant ce vendredi soir. Mais va-t-il pour autant descendre dans l'arène ?

Dans les mille et une contraintes qui enserrent l’agenda présidentiel en ces jours troublés, celle-ci semble anecdotique : présenter sa candidature.

Anecdotique car personne ne doute de la volonté présidentielle de concourir pour cinq ans supplémentaires. Anecdotique, surtout, au regard de la lourdeur de l’actualité.

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Et pourtant, c’est une contrainte de fer : le conseil constitutionnel attend les parrainages et la lettre de candidature avant ce vendredi 18 heures.

Comment donc se déclarer, sans paraître délaisser les enjeux internationaux ?

Comment officialiser son souhait, sans sembler se concentrer sur son propre destin, quand celui de l’Europe est en jeu ?

A l’évidence, c’est une non-campagne qui s’annonce durant les 39 jours qui nous séparent du premier tour.

Pas plus de trois meetings d’ici là, anticipent les proches du chef de l’Etat. Cela c’est pour la logistique.

Sur la tonalité, difficile désormais d’axer la campagne sur l’optimisme, comme c’était initialement prévu. Dans le contexte, cela paraîtrait au mieux décalé, au pire éthéré. 

Enfin, quelle confrontation entre les candidats ? Le président sortant a fait savoir qu’il refusait les grands débats où s’empoignent la dizaine de prétendants.

L’actualité lui donne un argument pour se confronter davantage à l’adversité géopolitique plutôt qu’à ses adversaires politiques.

C’est donc presque une non-campagne présidentielle, que s’apprête à mener Emmanuel Macron ?

Invariablement placé en tête dans les sondages, à huit points devant sa poursuivante Marine Le Pen, le chef de l’Etat n’a aucun intérêt à prendre des risques. 

D’un strict point de vue électoral, les planètes sont alignées. Alain Minc, dont il fut proche, utilise même cette expression : Emmanuel Macron a “signé un CDI avec la providence”, estime celui qui conseille le tout-paris, dans une interview au quotidien L’Opinion. 

L’enjeu de cette campagne, c’est désormais la “présidentialité”, renchérit Stanislas Guérini, le patron de La République en marche. 

Voilà pourquoi le président sortant a intérêt à “incarner” plutôt que proposer ; réunir plutôt que trancher ; ne rien dire plutôt que cliver. 

En écrivant ces lignes, il me revient un passage du documentaire de Raymond Depardon, "Une partie de campagne", sur Valéry Giscard d’Estaing en 1974. 

Nous sommes à quelques jours du deuxième tour de la présidentielle. "VGE" est favori. Et devant sa garde rapprochée, il décrit la meilleure stratégie pour gagner : celle de ne rien dire et de ne rien faire : 

"L'ennui, si on fait quelque chose, c'est qu'on peut perdre. Parce qu'on prend des positions, on énerve des gens... Donc il y a une technique qui consiste à ne rien faire [dans la campagne] sinon de beaux discours, et à laisser le courant passer : 'Ce type est rassurant, il est très convenable, il parle bien'. C'est peut-être une des lignes du second tour. Au fond, les gens ayant peur, voyant le franc baisser, voyant l'Italie en pagaille, se disent : 'au fond, il y a un type qui a l'air assez sérieux, assez calme, qui n'injurie personne [lui-même], eh bien votons pour lui'. Et on est élu, dans ce cas-là."

La stature et le sérieux face aux fracas du monde : la pose est avantageuse. 

Cela dit, le piège pour Emmanuel Macron, c’est qu’une réélection sans vraie campagne entraîne une légitimité démocratique anémiée. Ce qu’au cours d’un second mandat, ses opposants ne manqueraient pas de lui rappeler.

Frédéric Says

L'équipe