Messe de clôture de la Visite pastorale du secteur Vallée d’Avre et institution au lectorat et à l’acolytat pour Landri Dossous

Chers frères et sœurs,

Ils sont trois, Pierre, Jacques et Jean, accompagnant Jésus sur la montagne. Se souviennent-ils que dans les temps anciens, dans une expérience similaire, Abraham, pris d’un sommeil mystérieux assista au passage de la nuée de Dieu, sur les animaux sacrifiés, pour faire alliance avec le Peuple de Dieu ? Ont-ils encore à l’esprit que Dieu, n’oubliant jamais son alliance, confia une Loi de vie à Moïse et suscita Elie, le père de tous les prophètes, pour apprendre à ce Peuple à demeurer fidèle à ce Dieu de l’Alliance ? Toute l’histoire sainte les habite – même s’ils ne la connaissent plus bien comme nous notre catéchisme -. Et ils attendent maintenant le Messie promis par cette histoire, celui qui renouvèlera l’Alliance et sauvera leur Peuple. Ils soupçonnent déjà que Jésus, l’homme de Nazareth, peut leur dévoiler le fin mot de cette histoire. Alors, le suivant comme ils suivraient un nouveau Moïse et un Elie revenu parmi eux, ils gravissent avec lui la montagne. Une même torpeur mystérieuse les gagne, et ils assistent à une scène éblouissante. Jésus leur apparaît revêtu de lumière, transfiguré, en présence de Moïse et d’Élie. Et le Dieu qui fit alliance avec leurs pères, leur demande d’écouter non plus seulement l’homme de Nazareth mais son Fils unique, celui qu’Il a  choisi. Ils ne comprennent rien. En descendant de la montagne, ils ne rapportent rien à personne de ce qu’ils avaient vu. Silence radio jusqu’au matin de Pâques. Pourquoi ? Parce que l’éblouissant Jésus est aussi celui qui monte à Jérusalem pour souffrir et mourir et qui leur demande de prendre leur croix pour le suivre. Comment donc croire à la fois qu’il est le Messie, le Fils de Dieu et qu’il va souffrir et mourir de la main des hommes ? Il leur en faudra du temps pour comprendre, pour que cela descende en leur cœur, pour que la foi leur soit vraiment donnée et qu’ils puissent annoncer à leurs frères : « Ce Jésus, qui vous avez crucifié, il est ressuscité. Il fait de nous des citoyens du ciel. Il va transformer nos corps à l’image du sien, avec une puissance inimaginable ». Le transfiguré de la montagne, le défiguré de la Croix, va nous attirer hors de nos chemins de mort pour nous faire entrer dans sa Vie en plénitude, celle qu’on appelle mystérieusement Vie éternelle et qui est déjà commencée.

Sommes-nous, frères et sœurs, ce matin, les compagnons de Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne ? Nous aussi avons foi en Jésus. Sa présence est lumineuse dans nos vies. Il transfigure nos existences, et souvent on nous dit : « vous avez de la chance d’avoir la foi ». Et pourtant, nous portons nos croix comme beaucoup d’autres. Les chemins de nos vies sont souvent obscurs et douloureux. Les épreuves nous ébranlent et nous craignons la mort. Le passage, en nous, de la mort à la lumière de la vie nouvelle en Jésus prend du temps, beaucoup de temps. Parfois, comme des païens, nous abandonnons le combat, et comme dit saint Paul, c’est notre ventre qui devient notre Dieu. Nous pensons à nos intérêts ou à nos besoins immédiats, qui sont certes parfois cruciaux, et parfois seulement à notre confort ou plaisir immédiats. Et pourtant… pourtant, nous avançons avec cette lumière dans le cœur. Il a été transfiguré, il est ressuscité, ce crucifié ; et il nous attire à Lui mystérieusement ; et nous voulons être avec Lui, être ses amis.

Ce cheminement de foi, nous le vivons non pas dans la pleine clarté mais souvent de nuit, et nous le vivons en Église. Le mot Église veut dire assemblée, rassemblement, convocation. Nous aimons faire communauté pour partager nos expériences de foi et d’amour répandus dans nos cœurs, nos transfigurations. Certes, il y a parfois entre nous des mésententes et des divisions et il faut que les pasteurs redisent régulièrement : aimez-vous ! Aimez-vous ! Pardonnez-vous vite et reprenez ensemble votre chemin de sainteté du quotidien ! Et nous essayons aussi d’être témoins dans ce monde, si souvent, en apparence, peu occupé de cette lumière de Dieu. Nous aimons notre Église, avec ses blessures et ses fragilités, nous demandons parfois ce qu’elle va devenir, tout en étant certain que Jésus notre Sauveur est avec nous et ne nous abandonne jamais. L’Église et nos paroisses, depuis 2000 ans, ne cessent de se transformer pour rester fidèles au jaillissement premier de l’Évangile : confiance !

Ces derniers jours, frères et sœurs, au cours de ma visite pastorale dans votre secteur apostolique, j’ai été le témoin émerveillé de votre résistance – de votre résilience ! – dans la foi et de votre fidélité à témoigner de ce Dieu de Vie. J’ai admiré vos prêtres magnifiques qui ne ménagent pas leur peine pour vous servir. J’ai vu le dévouement des équipes de conduite pastorale, l’énergie dépensée par les catéchistes, les personnes qui accompagnent leurs frères et sœurs vers les sacrements, la générosité de tant de chrétiens dans le monde du soin, dans les responsabilités d’élus ou de responsables d’associations, dans l’éducation des jeunes. J’ai découvert des hommes et des femmes, pratiquants ou non, qui font tout pour que la vie de tous soit bonne et belle, et qu’on vive bien ici. Comment ne pas vous encourager à continuer et vous dire, comme évêque : je suis avec vous. Je suis sûr que notre persévérance à servir le Christ porte déjà un fruit mystérieux dans le cœur des gens, même si le résultat de nos efforts nous échappe souvent. Confiance !

Aujourd’hui, nous sommes heureux de voir Landri vivre une étape vers le diaconat en recevant les ministères de lecteur, de serviteur de l’eucharistie et de la prière communautaire. En recevant ces ministères, Landri, tu t’engages avant de lire l’Écriture, à l’écouter et à en vivre, et nous nous engageons avec toi. Tu t’engages non seulement à servir l’eucharistie, mais à l’aimer, ce mystère si profond qui nous dépasse et qui nous fait tant de bien, et nous nous engageons avec toi, car il n’y a pas d’Église sans eucharistie. Tu t’engages à aider tes frères et sœurs à prier et à rencontrer Dieu, et nous nous engageons avec toi à mettre la prière au cœur de nos vies, nous qui devons tout attendre de Dieu. L’amour de la Parole de Dieu, de l’eucharistie, et de la prière vécue en communauté fraternelle sont au cœur de notre expérience chrétienne. Il nous faut des prêtres et des diacres pour nous aider à les vivre avec bonheur. Et nous prions donc le Père de nous envoyer des ouvriers pour la moisson, des prêtres et des diacres qui nous guideront et nous montreront le Christ avec humilité, en donnant leur vie pour lui et pour leurs frères. Mais nous prions aussi pour que tous les baptisés de ce secteur réveillent la foi de leur baptême et se sentent partie prenante de la vie de leur Église, d’une Église qui vit de la clarté du Christ, et qui en témoigne, chacun selon sa vocation, ses charismes et ses talents.

Frères et sœurs, à l’issue de cette visite pastorale, je remercie Dieu pour ce que j’ai vu ici : des hommes et des femmes de foi qui font ce qu’ils peuvent, persévérants même si parfois ils se demandent pourquoi les gens semblent si peu fervents, si peu fidèles, si peu engagés. Des hommes et des femmes de foi qui se savent aimés de Dieu et ressentent sa présence dans leur vie. Dans notre monde si souvent sans boussole, sonné par la pandémie récente et maintenant par la violence de la guerre et ses néfastes conséquences, vous osez dire : non ce n’est pas fichu. La douce Lumière du Christ continue de montrer la direction. Elle est un baume pour nos cœurs. Sa parole nous secoue aussi, énergiquement : que fais-tu de la foi de ton baptême ? La gardes-tu enterrée au fond de ton cœur sans la partager et la faire fructifier ? le Seigneur nous appelle aujourd’hui ! De la croix de Jésus se diffuse une bienheureuse espérance, attestant que nous ne sommes faits ni pour la souffrance ni pour le néant, mais pour une lumière d’une blancheur éblouissante, celle qui illumina le Christ avant sa mort, celle du matin de Pâques, celle qui brille déjà en nous, nous faisant traverser notre pauvre vie avec une confiance et une joie – une joie ! – que personne ne peut nous voler.

Que le Seigneur ait pitié de notre misère, qu’il nous réconforte et nous renforce encore dans la foi ! Et qu’il nous rende témoins de ses merveilles en ce monde, sans jamais nous décourager. Amen.

+ Mgr Gérard Le Stang
Evêque d’Amiens

Ces derniers jours, frères et sœurs, au cours de ma visite pastorale dans votre secteur apostolique, j’ai été le témoin émerveillé de votre résistance – de votre résilience ! – dans la foi et de votre fidélité à témoigner de ce Dieu de Vie.