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Italie. Les néofascistes infiltrent l’extrême droite institutionnelle

La Ligue et Frères d’Italie sont sur la défensive après la révélation de néofascistes présents dans leurs rangs.

Rome, envoyé spécial.

Quand l’eurodéputé Carlo Fidanza, le chef de la délégation Frères d’Italie au Parlement européen, prend une photo avec ses amis, il ne dit pas « cheese » mais « Berizzi ». Une manière de narguer Paolo Berizzi, seul journaliste d’Europe à vivre sous escorte policière après des menaces de la part de groupes néonazis. Cette scène, tirée d’une enquête en caméra cachée du média en ligne Fanpage.it, illustre les us et coutumes du groupuscule néofasciste milanais de Jonghi Lavarini, surnommé par les siens « le Baron noir ». Chez eux, on se dit bonjour en faisant le bras levé des fascistes, et une croix gammée dans le dos devient pour le leader du groupe un « tatouage patriotique »…

Salvini et Meloni crient au complot

Le groupe, formé d’anciens militaires ou encore d’agents de police, pousse ses pions au sein des partis d’extrême droite que sont la Ligue de Matteo Salvini et Frères d’Italie de Giorgia Meloni. Face aux accusations de racisme et de financement illégal, révélées dans l’enquête journalistique, les deux formations ont d’abord crié au complot, la vidéo étant sortie le 30 septembre, à trois jours du premier tour des élections municipales. Depuis, Giorgia Meloni a dû assurer qu’il n’y avait pas de place dans son parti pour ceux qui propagent l’antisémitisme ou la violence, tout en taclant ceux qui, à gauche, refuseraient de « condamner le stalinisme ».

Désormais principaux partis de la coalition de centre droit, loin devant Forza Italia de Silvio Berlusconi, la Ligue et Frères d’Italie tentent de dissocier leur image du fascisme historique. Mais cette prise de distance ne doit tromper personne. Dans un entretien au Fatto Quotidiano, l’ancien député européen Mario ­Borghezio, homme de référence du Baron noir au sein de la Ligue, déclare que, « parmi ceux qui disent “vive le Duce” ou font le salut romain, il y a des gens de bonne foi » . Il reproche désormais à Meloni et Salvini d’ « exploiter les cœurs noirs comme main-d’œuvre pour la propagande alors qu’il faudrait les faire participer à la construction d’un projet ».

Un « fascisme du troisième millénaire »

En réalité, les néofascistes sont déjà au centre du dispositif. « Leur stratégie est de créer de la culture politique au sein de la Ligue et de Frères d’Italie. Les éditions liées au groupe Casapound ont augmenté leurs ventes de 20 % en deux ans », explique à l’Humanité Stefano Galieni, dirigeant du Parti de la refondation communiste. Au nord, Lealta Azione a des postes clés dans l’animation territoriale de la Ligue et des collaborateurs d’élus. À Rome, où se joue ce lundi le second tour de l’élection municipale, plusieurs membres de ­Casapound, qui prône un « fascisme du troisième millénaire », figurent dans les listes qui soutiennent le candidat de la coalition de droite, Enrico Michetti.

Preuve que les bas-fonds de la droite dérangent : vendredi, lors de la clôture de campagne, la première intervention du libéral Vittorio Sgarbi était consacrée à répondre aux accusations de fascisme. Il a présenté Michetti, qui avait lancé sa campagne en décrivant le salut romain comme la manière la plus hygiénique de se dire bonjour, comme un « démocrate­-chrétien » qui affronte une gauche assimilée à « l’inquisition » et au « régime qui s’appelle communiste » . Le fascisme serait, selon ce spécialiste en histoire de l’art, « une histoire morte ». Il n’en resterait que des valeurs et des vestiges architecturaux, comme le quartier de « l’Eur », à Rome , et, en Afrique, la capitale de l’Érythrée, Asmara, « protégée par l’Unesco » . C’est de cette colonie que fut lancée la sanglante invasion de l’Éthiopie par Mussolini. La droite italienne manie une dangereuse dialectique.

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