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Le ministre du travail, Olivier Dussopt, à la suite du vote du texte au Sénat à Paris, le 11 mars 2023.
CYRIL BITTON POUR « LE MONDE »

Les questions pour comprendre la réforme des retraites : petites pensions, carrières longues et impact pour les femmes

Par 
Publié le 16 mars 2023 à 10h08, modifié le 24 avril 2023 à 12h00 (republication de l’article du 02 mars 2023 à 08h00)

La très controversée réforme des retraites a été promulguée samedi 15 avril au Journal officiel, au lendemain de la validation du texte par le Conseil constitutionnel qui a toutefois reconnu « le caractère inhabituel » de l’accumulation des procédures visant à limiter les débats au Parlement.

Si les grandes lignes de la réforme n’ont pas bougé, le Conseil constitutionnel a tout de même censuré quelques mesures, dont l’« index seniors » et le « CDI seniors », considérés comme des cavaliers sociaux.

Les Décodeurs ont rassemblé 25 questions pour tenter d’y voir plus clair sur cette réforme impopulaire et majeure du second mandat d’Emmanuel Macron.

Le fonctionnement du système des retraites

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Qu’est-ce que le régime par répartition que le gouvernement veut « sauver » ?

Le système de retraite français fonctionne comme une assurance collective. Les travailleurs (et les employeurs) financent les caisses de retraite en s’acquittant de cotisations prélevées sur leurs revenus. Ces sommes servent ensuite à payer les pensions de retraite.

La durée d’activité (calculée en trimestres), le niveau de revenus lors de la vie active et toute une série de facteurs sont pris en compte dans le calcul de la pension d’un retraité, mais elle n’est pas directement payée par les sommes que cette personne a elle-même versées. C’est le « pot commun » alimenté par la population active qui paie les pensions des personnes effectivement à la retraite.

Quelle différence entre âge légal et âge de la retraite à taux plein ?

Tout le monde peut aujourd'hui prendre sa retraite à 62 ans, mais cet âge va être progressivement repoussé par la réforme jusqu'à 64 ans. Toutefois, ce dernier ne garantit pas pour autant le versement d’une pension à taux plein (50 % du salaire annuel de référence) : elle n’est accordée qu’à la condition d’avoir cotisé suffisamment longtemps.

La durée exigée varie selon les générations : elle est fixée à quarante et un ans et neuf mois pour les actifs nés en 1958, et atteint quarante-trois ans pour ceux qui sont nés en 1973 et après. La retraite à taux plein est cependant automatique à partir de 67 ans (pour les personnes nées en 1955 et après) : c’est ce qu’on appelle l’âge du taux plein.

Cela est valable pour le régime général. Les règles sont différentes pour les autres régimes. 

Qu’est-ce que la durée de cotisation ?

La durée de cotisation est l'un des paramètres utilisés pour déterminer le moment de départ à la retraite et le montant de la pension. Pour prétendre à une retraite à taux plein, il faut avoir justifié d'un nombre minimal de trimestres, qui varie selon les générations. Elle s'élève par exemple à 172 trimestres, soit 43 ans, pour les personnes nées à partir de 1973.

Avoir cotisé tous ses trimestres ne donne pas automatiquement droit à la retraite : il faut attendre l'âge légal du départ (62 ans actuellement dans le régime général), ou répondre aux critères très spécifiques de prise en compte des carrières longues.

A l'inverse, il est possible de toucher automatiquement sa retraite à taux plein à partir de 67 ans, même si l'on n'a pas cotisé tous ses trimestres : c'est ce qu'on appelle l'âge du taux plein.

Quel est l'âge moyen de départ à la retraite aujourd'hui ?

L’âge légal du départ à la retraite est fixé actuellement à 62 ans dans le régime général. Il est possible de partir plus tôt dans certains cas (carrière longue, handicap, pénibilité). Des règles différentes existent cependant dans d’autres régimes. Attention : s’il est possible de prendre sa retraite à 62 ans, cela ne garantit pas de pouvoir bénéficier d’une retraite complète.

En moyenne, les personnes parties à la retraite en France, fin 2020, avaient 62 ans et 4 mois. Globalement, ce sont les femmes qui partent le plus tard, à 62 ans et 7 mois, alors que les hommes partent à 62 ans. Ces moyennes varient cependant d’un régime à l’autre : alors que l'âge moyen de départ à la retraite s'établit à 63 ans et 4 mois au régime général, il est plus bas dans les régimes spéciaux de la RATP ou de la SNCF, où il se situe entre 56 et 59 ans.

 

Combien y a-t-il de caisses de retraites ?

Il y a quarante-deux caisses de retraite en France (régimes de base et régimes complémentaires confondus). Parmi elles, on peut principalement retenir :
– les trois grands régimes de base (régime général, MSA, régime des indépendants) ;
– le régime de la fonction publique ;
– des régimes spéciaux de salariés (Banque de France, RATP, SNCF, etc.) ;
– des régimes autonomes pour certains indépendants (professions libérales, avocats, etc.) ;
– le fonds de solidarité vieillesse ;
– le service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;
– les régimes complémentaires, comme celui des salariés et cadres du privé (Agirc-Arrco).

A noter que certains régimes sont marginaux ou proches de l’extinction. 

Quelle est la différence entre retraite minimale et minimum vieillesse ?

Il n’existe pas de retraite minimale. Il y a en revanche un minimum contributif (ou « MICO »). Pour en bénéficier, les futurs retraités doivent non seulement ne pas dépasser un double plafond (747,57 euros bruts de pension de base ; 1 309,75 euros bruts de pension de base et complémentaire cumulées), mais aussi justifier d’un taux plein.

En plus de ce minimum contributif, un autre mécanisme garantit un niveau de vie minimal aux retraités : l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), communément appelée minimum vieillesse, versé sous conditions de ressources. Depuis début janvier 2023, le montant garanti par l’Aspa est de 961 euros par mois pour une personne seule et 1 492 euros pour un couple (l’aide complète les revenus du ou des retraité(s) pour atteindre ces seuils).

Bien que ces deux mécanismes visent un objectif semblable (garantir un revenu minimal aux personnes âgées), leurs natures sont différentes : le minimum contributif est une pension de retraite, alors que l’Aspa est une aide sociale. Ainsi, le versement du « MICO » est automatique, tandis que l’Aspa doit être réclamée.

Par ailleurs, les sommes versées au titre de l’Aspa sont en partie recouvrables par l’Etat ou la caisse de retraite au décès de la personne retraitée, dans le cadre de sa succession. Actuellement, les successions sont exemptes de ce recouvrement jusqu’à 39 000 euros d’actifs net, mais la réforme du gouvernement prévoit de relever ce seuil à 100 000 euros.

Comment sont calculées les pensions actuellement ?

Les pensions sont composées d'au moins une retraite de base et de la retraite complémentaire. La pension de base tient compte des salaires – ceux des vingt-cinq meilleures années dans le privé, ceux des six derniers mois dans la fonction publique.

Si vous avez suffisamment cotisé, un taux de 50 % est appliqué au salaire annuel moyen brut dans le privé, il est de 75 % dans la fonction publique. La pension peut être minorée s’il n’y a pas le nombre de trimestres requis. Les retraites complémentaires reposent, elles, sur des systèmes par points, convertis ensuite en euros, et s’ajoutent aux pensions de base.

Quel est le montant moyen des pensions en France ?

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), fin 2020, la pension moyenne s’établissait à 1 400 euros brut mensuels pour l’ensemble des retraités, et 1 537 euros en ajoutant une éventuelle pension de réversion (c’est-à-dire une part de la pension du conjoint ou de la conjointe décédée).

En moyenne, la pension des femmes (1 154 euros) est inférieure de 40 % à celle des hommes (1 931 euros). L'écart s'est réduit ces dernières années : en 2004 il était de 50 %. L’écart réel de pensions entre les deux sexes est plus faible (28 %) car bon nombre de femmes touchent une pension de réversion. A noter que les femmes partent plus tardivement à la retraite, à 62 ans et 7 mois, contre 62 ans pour les hommes.

A 65 ans, quelle est l’espérance de vie des Français (et en quelle santé) ?

Depuis 1950, les Français ont gagné une quinzaine d’années d'espérance de vie. Une petite fille née en 2021 pourrait vivre en moyenne jusqu’à 85,4 ans, selon les conditions de mortalité actuelles, tandis qu’un garçon né la même année vivrait jusqu’à 79,3 ans. Cette progression cache cependant des inégalités entre les hommes et les femmes, mais aussi entre les catégories socioprofessionnelles. Par exemple, l’espérance de vie d'une femme cadre aujourd’hui âgée de 35 ans s’élève à 88 ans, soit 10,4 ans de plus que pour un ouvrier.

Mais vivre plus longtemps ne signifie pas forcément vivre mieux : 23 % des Français souffraient d’une limitation physique lors de leur première année de retraite en 2018, selon le ministère de la santé. Et les plus touchés sont encore les ouvriers : 34 % sont contraints dans les activités de la vie quotidienne dès leur premier jour de retraite.

Quel est le niveau d'emploi des seniors aujourd'hui ?

Globalement, la proportion des seniors occupant un emploi a augmenté ces vingt dernières années. Mais si 56 % des personnes âgées de 55 à 64 ans ont une activité professionnelle, seul un tiers des 60-64 ans – les plus directement concernés par le recul de l’âge légal de départ – occupent encore un poste.

Dans le détail, le taux d’emploi des seniors atteint 75,1 % pour la proportion des 55-59 ans, mais il baisse à 35,5 % pour les 60-64 ans, et chute en deçà de 20 % après 64 ans.

Le contenu de la réforme

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Quelles sont les principales mesures de cette réforme des retraites ?

Cette réforme vise d’abord à reculer progressivement l’âge du départ en retraite, de 62 ans aujourd’hui, à 64 ans en 2030. Ce report interviendra progressivement à partir du 1er septembre 2023, par tranches de trois mois par an.

Une deuxième mesure y a été ajoutée : un allongement de la durée de cotisation qui sera appliqué plus rapidement que prévu par la loi Touraine de 2014. Actuellement fixée à quarante-deux ans, la durée de cotisation passera à quarante-trois ans dès 2027, au lieu de 2035. Cette augmentation se fera elle aussi progressivement, sur un rythme d’un trimestre supplémentaire par an. 

Pour les carrières longues, les rares personnes qui ont commencé à travailler entre 14 ans et 16 ans pourront partir à la retraite à 58 ans. Cet âge sera de 60 ans pour un début de carrière avant 18 ans, 62 ans pour un début avant 20 ans et 63 ans avant 21 ans.

La réforme prévoyait aussi la création d’un fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle, ainsi qu'un « index senior » chargé de suivre la situation des salariés en fin de carrière dans les entreprises. Mais ces mesures ont été écartées de la loi par le Conseil constitutionnel. 

Qui est concerné par la réforme ?

Cette réforme décale l’âge légal du départ à la retraite de 62 ans actuellement à 64 ans en 2030, et accélère le calendrier de l’allongement de la durée de cotisation. On peut distinguer plusieurs cas :
les personnes nées avant le 1er septembre 1961, qui pourront encore partir en retraite à 62 ans ;
les personnes nées entre le 1er septembre 1961 et le 1er septembre 1965, pour qui le départ en retraite passera à un âge compris entre 62 et 64 ans et dont la durée de cotisation sera allongée plus vite que prévu ;
les personnes nées après 1966, pour qui l'âge légal de la retraite sera de 64 ans (hors exceptions, comme les carrières longues) et verront leur durée de cotisation allongée plus vite que prévu (sauf pour celles nées en 1973 ou plus tard, pour qui la loi prévoyait déjà quarante-trois annuités).

Comment le gouvernement a-t-il justifié sa réforme ?

Emmanuel Macron a répété vouloir « sauver » le système par répartition, en équilibrant les comptes afin de « préserver notre modèle redistributif ». « L’objectif est de consolider nos régimes de retraite par répartition qui, sans cela, seraient menacés car nous continuons de financer à crédit », a-t-il déclaré, lors de son allocution du 31 décembre 2022.

Même si le système des retraites finit par revenir à l’équilibre dans quelques décennies, comme le prévoient les projections économiques, la première ministre, Elisabeth Borne, a mis en garde contre le risque d’accumulation des déficits qui pourraient atteindre, selon elle, « 150 milliards d’euros sur les dix prochaines années ». La réforme du gouvernement vise à rétablir l’équilibre « à l’horizon 2030 ». Selon l’étude d’impact du projet de loi, la réforme permettrait d’économiser 6,2 milliards d’euros en 2027 et 11,8 milliards d’euros en 2030. Une réforme qui aiderait le gouvernement à atteindre l’objectif de réduction du déficit public sous les 3 % à l’horizon 2027.

Cependant, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a été contraint d’admettre, le 4 mars, que sa réforme ne permettra peut-être pas le retour à l’équilibre en 2030 en raison des « mesures d’accompagnement » ajoutées à l’Assemblée et au Sénat lors de l'examen du texte. Un « léger déficit » de 300 millions ou 400 millions d’euros serait acceptable, a expliqué le ministre du travail, en comparaison du statu quo.

Pourquoi les justifications économiques sont-elles contestées ?

En théorie, rien n’impose que le système de retraite soit à l’équilibre financier. Certains estiment ainsi que l’Etat est en mesure d’en assurer, au moins en partie, le financement, en puisant chaque année des fonds dans son budget pour combler le déficit des retraites.

Les opposants à la réforme considèrent d'ailleurs que la baisse des dépenses publiques est la première justification du projet, bien plus que l’urgence de sauver le système des retraites. Ils rappelent que le système dispose de plus de 163 milliards d'euros de réserves mobilisables.

La pénibilité et les incapacités sont-elles prises en compte ?

La réforme prévoit de rendre plus favorables aux salariés les calculs des points de pénibilité pour ceux qui ont exposés aux six facteurs de risques aujourd’hui reconnus (travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif, en milieu hyperbare, en températures extrêmes). Toutefois, les syndicats et les partis d’opposition ont rappelé qu’en 2017, le président Macron avait vidé de sa substance le dispositif qui existait alors.

Mais la réforme instaure surtout la création d'un « fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle » doté d’un milliard d’euros, pour financer des actions de prévention et de réparation de l’usure professionnelle pour les travailleurs aux conditions de travail difficiles.

Enfin, le texte prévoyait qu’à l'occasion de la visite de mi-carrière, le médecin du travail puisse proposer des mesures d’aménagement du travail. De plus, une visite médicale devait être organisée entre 60 et 61 ans, permettant au médecin d'informer le salarié de la possibilité d’être reconnu inapte au travail. Cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il s’agissait d’un « cavalier social », qui n’avait pas sa place dans un PLFSSR. .

Toutefois, le gouvernement a laissé entendre que les mesures rejetées pourraient revenir dans une future loi sur le travail.  

Les régimes spéciaux sont-ils supprimés par la réforme ?

L’expression « régimes spéciaux » décrit les caisses de retraite autres que celle du régime général :
– la MSA, pour les travailleurs agricoles ;
– le régime des indépendants (ex-RSI) ;
– les régimes de la sphère publique, pour les agents de la fonction publique et les travailleurs des entreprises et établissements publics, comme la SNCF et la RATP ;
– les régimes spéciaux privés, plus autonomes, comme la caisse des professions libérales (la CNAVPL) ou des avocats (la CNBF).

Le texte définitivement adopté, lundi 20 mars, acte la disparition progressive des principaux régimes spéciaux, dont ceux de la RATP, des industries électriques et gazières (comme EDF), des clercs et employés de notaire, des membres du CESE (Conseil économique, social et environnemental) et de la Banque de France. Comme pour la réforme de la SNCF de 2018, ces régimes bénéficieront de la clause « du grand-père », ce qui signifie que leurs avantages seront supprimés pour les nouveaux embauchés (après le 1er septembre 2023) uniquement. Les travailleurs actuellement en poste pourront conserver leur régime spécial.

Que prévoit la réforme pour l'emploi des seniors ?

La question de l’amélioration de l’emploi des seniors était au cœur du projet de loi. Le gouvernement, qui a insisté sur le fait que la part des 60-64 ans en emploi est l’une des plus faibles d’Europe, a souhaité mettre en place un « index » pour lutter contre le chômage des salariés les plus âgés : un dispositif obligeant les entreprises à publier des indicateurs de suivi relatif à l’emploi des seniors. Or, cette mesure a été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a considéré qu’il s’agissait d’un « cavalier social », qui n’avait pas sa place dans un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).

Le texte prévoyait aussi, à titre expérimental, un nouveau type de CDI pour faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 60 ans, exonéré de cotisations familiales pendant un an. À l'instar de l'« index seniors », cette mesure a également été censurée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé qu'elle n'avait pas sa place dans un projet de loi de finances.  

Ces deux dispositifs pourraient toutefois revenir dans un future loi sur le travail, a laissé entendre le gouvernement. 

Qu'est-il prévu pour les petites retraites ?

La loi prévoit de revaloriser dès septembre 2023 le minimum contributif (MICO), la pension minimum de retraite octroyée aux salariés du privé. La hausse sera très variable selon les situations individuelles (nombre de trimestres cotisés, validés, etc.) : entre 0 et 100 euros par mois. 

En choisissant le minimum contributif pour relais de sa revalorisation, le gouvernement exclut d’office les retraités, passés ou à venir, ne justifiant pas d’un taux plein, condition préalable d’accès au MICO. Au total, 1,8 million de retraités actuels seront concernés par la mesure, ainsi que 200 000 nouveaux retraités chaque année. Mais seuls 125 000 retraités actuels percevront une revalorisation complète de 100 euros. Ils seront entre 10 000 et 40 000 nouveaux retraités à bénéficier de l’intégralité de cette revalorisation, selon la génération, a admis le gouvernement. 

D’après l’étude d’impact présentée par le gouvernement en janvier, le niveau des revalorisations attendues est en effet loin des 100 euros ; l’estimation conclut une « hausse moyenne de la pension annuelle de plus de 400 euros », soit 33,30 euros par mois en moyenne.

Est-ce que tous les retraités toucheront au moins 1 200 euros ?

Lors de la dernière campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis un geste financier fort pour les bénéficiaires de petites pensions, évoquant "une retraite minimale à 1 100 euros". Une fois réélu, le président a poussé pour que la réforme soit menée rapidement avec une évolution au passage : l’engagement de campagne était passé de 1 100 à 1 200 euros pour tenir compte de l’inflation.

Pourtant, il n’est nulle part question d’une retraite minimale dans la loi adoptée. L’article 18 prévoit bien une pension minimale d’au moins 85 % du smic net – soit 1 200 euros bruts à compter du 1er septembre 2023… mais ce dispositif est réservé aux seuls salariés ayant travaillé à temps plein pendant une carrière complète – c’est-à-dire ayant validé et cotisé l’ensemble des trimestres requis (de 166 à 172 actuellement, selon l’année de naissance).

Le gouvernement a finalement admis qu’environ 250 000 retraités actuels franchiront les 1 200 euros brut grâce à la réforme, ainsi que 10 000 à 20 000 nouveaux retraités par an. Soit moins de 1,5 % des 17 millions de personnes déjà à la retraite, et de 1,25 % à 2,5 % des 800 000 retraités par an à venir.

Que prévoit la réforme au sujet des carrières longues ?

Avant la réforme, un début de carrière avant 20 ans puvait permettre un départ anticipé de deux ans, à 60 ans. Une entrée dans la vie active avant 16 ans pouvait donner droit à une retraite anticipée de quatre ans, à 58 ans. Pour en bénéficier, l’assuré devait avoir validé cinq trimestres à la fin de l’année au cours de laquelle est survenu son seizième ou vingtième anniversaire.

La réforme va « adapter » ce dispositif, avec deux nouvelles bornes d'âge :

  • les rares personnes ayant commencé à travailler avant 16 ans pourront continuer de partir à la retraite à 58 ans, soit six ans avant le nouvel âge légal de 64 ans ;
  • ceux ayant commencé avant 18 ans pourront partir à 60 ans, soit quatre ans avant le nouvel âge légal ;
  • ceux qui ont débuté avant 20 ans pourront toujours partir deux ans plus tôt que l’âge légal, ce qui aura pour conséquence de repousser leur départ à 62 ans au lieu de 60 ans actuellement ;
  • ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir un an plus tôt, à 63 ans.

Le texte définitivement adopté contient aussi un amendement de LR permettant à certains travailleurs en carrière longue de partir après 43 annuités dès lors que deux autres conditions seront remplies : avoir travaillé quatre ou cinq trimestres avant un certain âge (16, 18, 20 ou 21 ans) et avoir atteint l’âge de départ anticipé requis (58 ans, 60 ans, 62 ans et 63 ans, selon l’âge de début de carrière). 

Les enjeux de la réforme

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Cette réforme désavantage-t-elle les femmes ?

Pendant les débats sur son projet, le gouvernement a affirmé que cette réforme serait plus juste envers les femmes, qui sont actuellement désavantagées : avec des carrières plus hachées que celles des hommes, leur départ en retraite est en moyenne plus tardif (62 ans et 7 mois contre 62 ans), et leurs pensions plus faibles (40 % de moins, 28 % de différence avec les pensions de réversion).

Selon l’étude d’impact de la réforme (publiée avant les modifications faites au Parlement), les femmes devraient voir leurs pensions augmenter grâce à la revalorisation du minimum contributif (plus 1 % pour la génération d’avant 1966, plus 2,2 % pour celles d’après). En raison de leurs carrières hachées, elles devront toutefois travailler plus longtemps que les hommes. En raison du report de l'âge légal, les femmes devront travailler sept mois de plus en moyenne, contre cinq pour les hommes. L'écart sera encore plus important pour les femmes nées dans les années 1980, qui devront travailler huit mois supplémentaires, contre quatre pour les hommes.

Sur proposition du Sénat, dont la majorité est de droite, une mesure a été ajoutée au texte final : elle permet aux mères de famille de bénéficier d’une surcote entre leurs 63 ans et leurs 64 ans si elles ont déjà cumulé les annuités requises. Il sera accordé une surcote de 1,25 % par trimestre supplémentaire de cotisation à celles qui dépasseront quarante-trois annuités un an avant l’âge légal de départ, avec au moins un trimestre de majoration pour la maternité ou l’éducation des enfants. Il était jusqu’ici impossible de bénéficier d’une surcote avant l’âge légal de départ.

 

Pourquoi le gouvernement a-t-il fait le choix d'une procédure accélérée au Parlement ?

Pour mener à bien cette réforme rejetée par une grande partie de l’opposition, et faute de pouvoir s'appuyer sur une majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement a choisi de passer par un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).

Le recours au PLFRSS a permis d’utiliser le dispositif prévu au second alinéa de l’article 47.1 de la Constitution. Réservé aux textes budgétaires, cet article dispose que « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours ».

En tout, les débats au Parlement ont été limités à cinquante jours (en vertu du troisième alinéa du même article). Cela a empêché les députés de voter la réforme en première lecture à l’Assemblée nationale, notamment en raison de l’avalanche d’amendements déposés par La France insoumise. Le texte a été automatiquement transmis au Sénat, puis à une commission mixte paritaire, avant de revenir à l’Assemblée nationale, où il a été définitivement adopté, non pas à l'issue d'un vote des députés, mais après un nouveau recours au 49.3, le 16 mars.

Certains constitutionnalistes considèraient que le recours au 47.1 pouvait constituer une atteinte à « la clarté et la sincérité du débat parlementaire », qui est pourtant une exigence constitutionnelle. Mais dans sa décision du 14 avril validant l'essentiel du texte, le Conseil constitutionnel n'a pas tenu compte de cet argument. 

Pourquoi le texte a-t-il été validé par le Conseil constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel a été saisi par la première ministre, Elisabeth Borne, ainsi que par trois groupes distincts de parlementaires, pour déterminer si le contenu de la réforme des retraites et la façon dont elle a été débattue ont respecté la Constitution. Les juges constitutionnels se sont prononcés, vendredi 14 avril. Ils ont validé l’essentiel de la réforme, dont le recul de l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ans. 

Sur le choix controversé de recourir à un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), les sages ont admis que les dispositions relatives à la réforme des retraites « auraient pu figurer dans une loi ordinaire ». Mais ils ont estimé que le choix « de les faire figurer au sein d’une loi de financement rectificative ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle ». 

Sur l’usage de l’article 47.1, utilisé pour limiter la durée des débats parlementaires, le Conseil constitutionnel a estimé que cela était possible, tant pour les lois de finances initiales que pour les lois de finances rectificatives, et que « l’urgence ne constitue pas une condition de leur mise en œuvre ».

Le Conseil constitutionnel a toutefois rejeté six mesures du texte, dont l’« index seniors » et le « CDI seniors », considérés comme des « cavaliers sociaux », des dispositions qui n'ont pas leur place dans un PLFRSS. 

Quelle est l’ampleur de la mobilisation contre cette réforme ?

Tous les syndicats sont hostiles à cette réforme, et notamment au report de l’âge légal de départ à 64 ans. Des manifestations ont été organisées chaque semaine depuis la présentation du projet de loi, à l'appel de l'intersyndicale (huit principaux syndicats et cinq organisations de jeunesse). Celle du 31 janvier avait été impressionnante avec 1,2 million de personnes dans toute la France (les syndicats avaient recensé plus de 2,8 millions de personnes), dépassant le record de 2010. Depuis, la participation avait baissé, malgré une grande mobilisation le 23 mars après l'adoption de la réforme des retraites à l'Assemblée nationale via l'article 49.3 de la Constitution.

Néanmoins, la décision du Conseil constitutionnel, et la promulgation éclair de la loi, a remotivé les opposants qui espèrent maintenir la pression sur le gouvernement. L'intersyndicale a appelé à un « raz-de-marée populaire » dans les rues le 1er-Mai. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a même appelé les Français à « casser la baraque » en manifestant pour la Journée internationale des travailleurs. 

 

Où en est le référendum d’initiative partagée (RIP) porté par la gauche ?

Une demande de référendum d’initiative partagée (RIP) déposée par plus de 250 parlementaires de gauche a été soumise, le 20 mars, au Conseil constitutionnel. Il s'agit d'une proposition de loi visant à « affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans ». 

Mais le Conseil constitutionnel a rejeté ce texte. Il a jugé le 14 avril qu’« à la date d’enregistrement de la saisine, la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit », et ne constituait donc pas une « réforme » à proprement parler, puisque le recul de l’âge légal à 64 ans n’est pas encore entré en vigueur.

Pressentant cette fragilité juridique, l’opposition de gauche avait déposé la veille une seconde proposition de RIP. Celui-ci reprend l’interdiction de fixer l’âge légal au-delà de 62 ans, mais instaure en outre une « recette fiscale liée aux ressources du capital pour sécuriser le financement de la retraite par répartition ». Les sages doivent se prononcer le 3 mai sur ce deuxième RIP. 

Si cette proposition de loi réunit toutes les conditions, et que le Conseil constitutionnel donne son feu vert, s’ouvre alors une période de neuf mois pour recueillir les soutiens d'un dixième du corps électoral, soit près de 5 millions d'électeurs. Une fois ce quota atteint, le texte  est examiné au Parlement dans les six mois. C'est seulement si cela n'est pas fait qu'un référendum est organisé d'office.

Le RIP n'a été utilisé qu'une seule fois, lors de la privatisation des Aéroports de Paris en 2019. Toutefois, après neuf mois de recueil, le texte avait obtenu seulement 1,1 million de signatures citoyennes. 

Mise à jour lundi 24 avril : correction à propos de la création du «  fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle  ».

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