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Document 62021CJ0715

Arrêt de la Cour (dixième chambre) du 9 mars 2023.
Gerardo Galeote et Graham Watson contre Parlement européen.
Pourvoi – Droit institutionnel – Réglementation concernant les frais et les indemnités des députés au Parlement européen – Modification du régime de pension complémentaire volontaire – Décision individuelle portant fixation des droits à la pension complémentaire volontaire – Exception d’illégalité – Compétence du bureau du Parlement – Droits acquis et en cours d’acquisition – Proportionnalité – Égalité de traitement – Sécurité juridique.
Affaires jointes C-715/21 P et C-716/21 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:190

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

9 mars 2023(*)

« Pourvoi – Droit institutionnel – Réglementation concernant les frais et les indemnités des députés au Parlement européen – Modification du régime de pension complémentaire volontaire – Décision individuelle portant fixation des droits à la pension complémentaire volontaire – Exception d’illégalité – Compétence du bureau du Parlement – Droits acquis et en cours d’acquisition – Proportionnalité – Égalité de traitement – Sécurité juridique »

Dans les affaires jointes C‑715/21 P et C‑716/21 P,

ayant pour objet deux pourvois au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduits le 25 novembre 2021,

Gerardo Galeote, demeurant à Madrid (Espagne) (C‑715/21 P),

Graham Watson, demeurant à Édimbourg (Royaume-Uni) (C‑716/21 P),

représentés par Me E. Arnaldos Orts, abogado, Me F. Doumont, avocat, Mes J. Martínez Gimeno et D. Sarmiento Ramírez-Escudero, abogados,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Parlement européen, représenté par Mme M. Ecker, MM. N. Görlitz et T. Lazian, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias, président de chambre, MM. M. Ilešič (rapporteur) et I. Jarukaitis, juges,

avocate générale : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs pourvois, M. Gerardo Galeote (C‑715/21 P) et M. Graham Watson (C‑716/21 P) demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 septembre 2021, Arnaoutakis e.a./Parlement (T‑240/20 à T‑245/20, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:590), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision du Parlement européen de rejet de leur demande, faute d’avoir atteint l’âge requis de 65 ans, de se voir accorder un droit à la pension complémentaire volontaire, en application de la décision du bureau du Parlement européen du 10 décembre 2018 modifiant les mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (JO 2018, C 466, p. 8, ci-après la « décision du 10 décembre 2018 »).

 Le cadre juridique

 Le règlement intérieur du Parlement

2        L’article 25 du règlement intérieur du Parlement européen (8e législature), dans sa version applicable aux faits de l’espèce (ci-après le « règlement intérieur du Parlement »), intitulé « Fonctions du Bureau », énonce, à ses paragraphes 1 à 3 :

« 1.       Le [Bureau du Parlement européen, ci-après le « Bureau »] assume les tâches qui lui sont dévolues par le présent règlement intérieur.

2.       Le Bureau règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant l’organisation interne du Parlement, son secrétariat et ses organes.

3.       Le Bureau règle les questions financières, d’organisation et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général ou d’un groupe politique. »

 La réglementation FID

3        Par décision du 12 juin 1990, le Bureau a inséré dans la réglementation concernant les frais et indemnités des députés au Parlement (ci-après la « réglementation FID ») une annexe VII, intitulée « réglementation concernant le régime de pension complémentaire (volontaire) ».

4        L’article 1er de cette annexe VII, telle que modifiée par la décision du Bureau du 30 novembre 2005, énonçait, à son paragraphe 1 :

« En attendant l’adoption d’un statut unique des députés et indépendamment des droits à pension prévus aux annexes I et II, tout député au Parlement européen qui a cotisé pendant au moins deux ans au régime volontaire de pension a droit, après qu’il a cessé ses fonctions, à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel il atteint l’âge de 60 ans, à une pension à vie. »

5        Par ailleurs, les articles 3 et 4 de ladite annexe VII prévoyaient respectivement la possibilité de versement d’une partie des droits à pension sous forme d’un capital ainsi que la possibilité de retraite anticipée à partir de l’âge de 50 ans.

6        Par décision du 1er avril 2009, le Bureau a modifié l’annexe VII de la réglementation FID en relevant, avec effet au 14 juillet 2009, l’âge de la retraite de 60 à 63 ans et en abrogeant, avec effet immédiat, la possibilité de versement d’une partie des droits à pension sous forme d’un capital ainsi que la possibilité de retraite anticipée à partir de l’âge de 50 ans.

 Le statut des députés au Parlement

7        Le statut des députés au Parlement européen (ci-après le « statut des députés ») a été adopté par la décision 2005/684/CE, Euratom, du Parlement européen, du 28 septembre 2005 (JO 2005, L 262, p. 1), entrée en vigueur le 14 juillet 2009. Le titre II de cette décision, intitulé « Dispositions transitoires », contient, notamment, l’article 27 de celle-ci, qui dispose, à ses paragraphes 1 à 4 :

« 1.       Le fonds de pension volontaire institué par le Parlement est maintenu après l’entrée en vigueur du présent statut pour les députés ou les anciens députés qui ont déjà acquis ou sont en train d’acquérir des droits dans ce fonds.

2.       Les droits acquis ou en cours d’acquisition sont entièrement maintenus. Le Parlement peut mettre des préalables et des conditions à l’acquisition de nouveaux droits.

3.       Les députés qui perçoivent l’indemnité [instituée par le statut] ne peuvent plus acquérir de nouveaux droits dans le fonds de pension volontaire.

4.       Les députés élus pour la première fois au Parlement après l’entrée en vigueur du présent statut ne peuvent pas adhérer au fonds. »

 Les mesures d’application du statut

8        Les mesures d’application du statut des députés au Parlement européen (ci-après les « mesures d’application du statut ») ont été adoptées par la décision du Bureau des 19 mai et 9 juillet 2008 (JO 2009, C 159, p. 1), qui est entrée en vigueur, en vertu de son article 73, le jour de l’entrée en vigueur du statut des députés, soit le 14 juillet 2009.

9        Aux termes de l’article 74 des mesures d’application du statut, intitulé « Abrogation » :

« Sous réserve des dispositions transitoires prévues au titre IV, la réglementation FID expire le jour de l’entrée en vigueur du statut. »

10      Figurant dans le titre IV des mesures d’application du statut, l’article 76 de celles-ci, intitulé « Pension complémentaire », énonçait, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de la décision du 10 décembre 2018 :

« 1.      La pension de retraite complémentaire (volontaire) attribuée en vertu de l’annexe VII de la réglementation FID continue d’être versée en application de cette annexe aux personnes qui ont bénéficié de cette pension avant la date d’entrée en vigueur du statut.

2.      Les droits à pension acquis jusqu’à la date d’entrée en vigueur du statut en application de l’annexe VII précitée restent acquis. Ils sont honorés dans les conditions prévues par cette annexe.

3.      Peuvent continuer à acquérir de nouveaux droits après la date d’entrée en vigueur du statut, et conformément à l’annexe VII précitée, les députés élus en 2009 :

a)      qui étaient députés sous une précédente législature ; et

b)       qui ont déjà acquis ou étaient en train d’acquérir des droits dans le régime de pension complémentaire ; [...]

[...] »

11      La décision du 10 décembre 2018 a, notamment, modifié les paragraphes 1 et 2 de l’article 76 des mesures d’application du statut et inséré dans cet article un paragraphe 2 bis. Ledit article 76, dans sa version issue de cette décision, prévoit désormais, à ses paragraphes 1 à 2 bis :

« 1.       Une pension complémentaire exigible par les anciens députés ou les autres bénéficiaires en vertu de l’annexe VII, articles 1er, 3 et 4, de la réglementation FID avant le 1er janvier 2019 continue d’être versée conformément à ladite annexe telle qu’elle est applicable jusqu’au 31 décembre 2018.

2.       Toute pension complémentaire qui n’est pas encore exigible au 1er janvier 2019 est fixée et versée en application de l’annexe VII, articles 1er et 2, de la réglementation FID, sous réserve des conditions et dérogations suivantes :

a)      la pension est exigible à partir du premier jour du mois civil suivant la date à laquelle le député atteint l’âge de 65 ans ;

b)       la pension fait l’objet d’un prélèvement spécial s’élevant à 5 % du montant nominal de la pension. Le prélèvement est versé directement au fonds de pension complémentaire (volontaire).

2 bis.      La pension complémentaire (volontaire) pour les autres bénéficiaires en vertu de l’annexe VII, articles 3 et 4, de la réglementation FID qui n’est pas encore exigible au 1er janvier 2019 est soumise à un prélèvement spécial s’élevant à 5 % du montant nominal de la pension. Le prélèvement est versé directement au fonds de pension complémentaire (volontaire). »

12      Les considérants 5 et 6 de la décision du 10 décembre 2018 énoncent :

« (5)      Au vu des comptes du fonds de pension complémentaire (volontaire), il est nécessaire de prendre un certain nombre de mesures inévitables sur le plan économique afin d’améliorer la viabilité du fonds de pension complémentaire (volontaire), de remédier au problème croissant de liquidité et de réduire le déficit actuariel ainsi que les conséquences négatives pour le contribuable européen.

(6)      À cette fin et en vue de respecter les droits acquis des bénéficiaires recevant déjà une pension, il convient de modifier comme suit les modalités des pensions complémentaires pour les bénéficiaires qui ne remplissent pas, au 1er janvier 2019, toutes les conditions pour recevoir une pension : l’âge de la retraite pour les bénéficiaires du régime de pension complémentaire (volontaire) devrait être relevé de l’âge actuel de 63 ans à 65 ans et un prélèvement de 5 % devrait être instauré sur tous les paiements de pension pour les pensions établies après le 1er janvier 2019. Ces mesures constituent les mesures les moins importunes possible pour les personnes concernées ».

13      La décision du 10 décembre 2018, qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 28 décembre 2018, est entrée en application, conformément à son article 2, le 1er janvier 2019.

 Les antécédents du litige

14      Les antécédents du litige tels qu’exposés par le Tribunal aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

15      Les requérants, anciens membres du Parlement, ont cotisé au régime de pension complémentaire volontaire prévu à l’annexe VII de la réglementation FID pendant la période allant du 1er août 1994 au 31 juillet 2009. Le droit à la pension de M. G. Watson est devenu exigible le 1er avril 2019, celui de M. G. Galeote le 1er février 2020.

16      Entre le 29 novembre 2019 et le 1er février 2020, les requérants ainsi que d’autres députés ou anciens députés ont demandé à se voir accorder un droit à la pension complémentaire volontaire. Ces demandes ont été rejetées par le Parlement, celui-ci ayant expliqué que les demandeurs n’avaient pas encore atteint l’âge de 65 ans, désormais requis en vertu de la décision du 10 décembre 2018.

17      Les requérants ainsi que d’autres députés ou anciens députés affiliés au régime de pension complémentaire volontaire des députés au Parlement ont introduit des recours en annulation contre la décision du 10 décembre 2018. Par ordonnance du 7 octobre 2019, Garriga Polledo e.a./Parlement (T‑102/19 et T‑132/19, non publiée, EU:T:2019:742), ces recours ont été rejetés comme étant irrecevables, au motif que les députés et ancien députés ayant introduit ces recours n’étaient pas individuellement concernés au sens de l’article 263 TFUE.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 29 avril 2020, les requérants ainsi que d’autres députés ou anciens députés ont introduit des recours tendant à l’annulation des décisions ayant rejeté leur demande d’octroi d’une pension complémentaire volontaire. Les recours ont été joints aux fins de la phase écrite et de la phase orale de la procédure.

19      Dans chacun de leurs recours, les requérants ont fait valoir, en substance, cinq moyens, tirés, le premier, de l’incompétence du Bureau pour adopter la décision du 10 décembre 2018, le deuxième, de la violation des formes substantielles, le troisième, de la violation des droits acquis et des droits en cours d’acquisition ainsi que du principe de protection de la confiance légitime, le quatrième, de la violation des principes de proportionnalité ainsi que d’égalité de traitement et de non-discrimination et, le cinquième, de la violation du principe de sécurité juridique.

20      S’agissant du premier moyen des recours, le Tribunal a examiné, aux points 35 à 43 de l’arrêt attaqué, le grief tiré de l’incompétence du Bureau pour adopter la décision du 10 décembre 2018.

21      Puis, le Tribunal a rappelé, au point 38 de l’arrêt attaqué, en se référant à l’arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600, point 64), que la décision du 10 décembre 2018 doit être considérée comme étant une mesure d’organisation interne destinée à assurer le bon fonctionnement du Parlement. À cet égard, le Tribunal a précisé que le fait que le statut des députés n’était pas encore applicable lors du prononcé de cet arrêt ne modifie pas le constat selon lequel la modification du régime de pension complémentaire volontaire constitue une mesure relative aux questions financières concernant les députés. Selon le Tribunal, les conditions de paiement des pensions complémentaires figurent non pas dans le statut des députés, dont l’article 27 se limite à renvoyer à la compétence du Parlement pour la fixation des conditions à l’acquisition de nouveaux droits, mais à l’article 76 des mesures d’application du statut.

22      Le Tribunal a conclu, aux points 39 et 40 de l’arrêt attaqué, que le Bureau avait compétence pour adopter la décision du 10 décembre 2018, modifiant l’âge donnant droit à la pension complémentaire volontaire des députés et instaurant un prélèvement de 5 %, et a, par conséquent, écarté le premier moyen.

23      En ce qui concerne le deuxième moyen des recours, tiré de la violation des formes substantielles, notamment du défaut de motivation de la décision du 10 décembre 2018, le Tribunal a constaté, tout d’abord, au point 46 de l’arrêt attaqué, en faisant référence par analogie à l’arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, point 72), que cette décision a une portée générale et, dès lors, un caractère réglementaire, puisqu’elle s’applique à la généralité des parlementaires affiliés au régime de pension complémentaire. Le Tribunal a poursuivi en rappelant que, selon une jurisprudence constante, la motivation des actes de portée générale peut se borner à indiquer la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux que le législateur se propose d’atteindre, sans qu’il soit besoin d’une motivation spécifique à l’appui de tous les détails que peuvent comporter de tels actes (arrêt du 13 décembre 2018, Schubert e.a./Commission, T‑530/16, non publié, EU:T:2018:956, point 72).

24      Ensuite, le Tribunal a examiné, aux points 46 à 51 de l’arrêt attaqué, conformément à la jurisprudence résultant notamment de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752, point 109), le libellé de la décision du 10 décembre 2018, son contexte ainsi que l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée.

25      À cet égard, le Tribunal a constaté que, ainsi qu’il ressort des considérants 5 et 6 de la décision du 10 décembre 2018, le Bureau s’est référé à la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de cette décision ainsi qu’aux objectifs légitimes poursuivis par celle-ci. Il a souligné que le Bureau avait explicitement indiqué qu’il avait été amené à adopter les mesures concernées en raison de la détérioration de l’état des comptes du fonds de retraite complémentaire volontaire et il a cité les objectifs visés par ces mesures, à savoir l’amélioration de la viabilité de ce fonds, la gestion du problème croissant de liquidité, la réduction du déficit actuariel, la réduction des conséquences négatives pour le contribuable de l’Union européenne et le respect pour les droits acquis des bénéficiaires recevant déjà une pension.

26      Enfin, le Tribunal a fait observer, au point 50 de l’arrêt attaqué, que les recours introduits contre les mesures précédemment adoptées par le Parlement en raison de la situation économique du fonds de pension et qui comportaient le relèvement de l’âge de la retraite et l’abrogation de la possibilité de paiement sous forme de capital et de retraite anticipée avaient été rejetés.

27      Pour ce qui est du troisième moyen des recours, le Tribunal a examiné, aux points 57 à 77 de l’arrêt attaqué, la première branche de ce moyen, tirée de la violation des droits acquis et des droits en cours d’acquisition, ainsi que, aux points 80 à 82 de cet arrêt, la seconde branche dudit moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

28      Le Tribunal a, à titre liminaire, souligné qu’il convenait d’examiner ensemble les questions portant sur la violation des droits acquis et des droits en cours d’acquisition, d’une part, et celle afférente à la violation de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés, d’autre part, puisque l’une et l’autre étaient étroitement liées.

29      Le Tribunal a, tout d’abord, recherché si l’approche selon laquelle les règles matérielles du régime de pension complémentaire auraient été figées au moment de l’entrée en vigueur du statut des députés est conciliable avec la jurisprudence de la Cour relative aux notions de « droits acquis » et de « droits en cours d’acquisition ».

30      À cet égard, le Tribunal a rappelé, au point 58 de l’arrêt attaqué, qu’il est de principe que les lois modificatives d’une disposition législative s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission (C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63).

31      En l’espèce, s’agissant des droits acquis, le Tribunal a relevé que, en vertu de la décision du 10 décembre 2018, les membres du Parlement qui bénéficiaient déjà d’une pension sous le régime de pension complémentaire volontaire lors l’entrée en vigueur de cette décision, soit le 1er janvier 2019, ont vu leur droit à la pension complémentaire maintenu sans aucun changement.

32      Quant aux droits en cours d’acquisition, le Tribunal a considéré, aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué, en se référant à l’arrêt du 24 novembre 2016, Webb-Sämann (C‑454/15, EU:C:2016:891, points 33 à 37), que ceux-ci pouvaient être réduits sous certaines conditions, en particulier le respect du principe de proportionnalité, à la suite d’une mise en balance des intérêts en cause, notamment en raison des nécessités de nature économique, telle l’insolvabilité de l’employeur, et de l’intérêt public de garantir la viabilité du fonds de pension complémentaire.

33      Par conséquent, le Tribunal a rejeté, au point 66 de l’arrêt attaqué, la thèse selon laquelle l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés a eu comme conséquence de figer les règles matérielles du régime de pension complémentaire.

34      Ensuite, le Tribunal a procédé, aux points 68 à 71 de l’arrêt attaqué, à l’interprétation littérale, contextuelle et structurelle de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés. Ainsi, au point 68, il a souligné que, bien que le libellé de cette disposition se réfère au maintien des droits acquis ou de ceux en cours d’acquisition, il ne prévoit pas explicitement que ceux-ci ne puissent pas être modifiés dans l’avenir. S’agissant du contexte de ladite disposition, il a souligné, au point 69, que le Parlement avait seulement entendu introduire une disposition transitoire visant à maintenir le régime de pension complémentaire uniquement pour les députés déjà affiliés à ce régime au moment de l’entrée en vigueur de ce statut. Enfin, aux points 70 et 71, le Tribunal a ajouté que la structure et le but de ladite disposition confirmaient également cette interprétation.

35      Par ailleurs, au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait observer que le principe de protection des droits acquis, en vertu duquel les membres du Parlement qui bénéficiaient déjà d’une pension complémentaire sous le régime de pension complémentaire lors de l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2019, de la décision du 10 décembre 2018 avaient vu leur droit à la pension complémentaire maintenu sans aucun changement, n’était pas applicable à la situation individuelle des requérants de première instance, dès lors que, étant encore en fonction, ils ne remplissaient pas toutes les conditions au 1er janvier 2019 pour bénéficier de droits à la pension complémentaire.

36      Enfin, s’agissant des droits en cours d’acquisition, le Tribunal a constaté, aux points 74 et 76 de l’arrêt attaqué, que le Bureau pouvait, en principe, apporter des modifications aux modalités d’accès au régime de pension complémentaire par des mesures d’application du statut des députés et en ce qui concerne l’avenir, puisqu’il n’existait pas de protection spécifique prévue pour les droits en cours d’acquisition au titre du régime de pension complémentaire qui aurait empêché la modification des modalités du régime pour l’avenir. Ainsi, selon le Tribunal, la modification des conditions d’acquisition des droits des requérants de première instance au 1er janvier 2019 n’aurait pas enfreint le principe de protection des droits en cours d’acquisition, sous réserve qu’elle respecte le principe de proportionnalité.

37      Concernant la seconde branche du troisième moyen, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime, le Tribunal a, au point 80 de l’arrêt attaqué, rappelé que, en vertu de la jurisprudence résultant notamment de l’arrêt du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600, point 69), un particulier peut réclamer la protection de la confiance légitime, à condition que l’administration lui ait fourni des assurances précises et ait fait naître chez lui des espérances fondées, et que constituent de telles assurances des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables. Dans le cas d’espèce, au point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que les requérants de première instance ne faisaient référence à aucun renseignement précis, inconditionnel et concordant émanant de sources autorisées et fiables du Parlement qui aurait pu établir la présence d’assurances précises faisant naître une confiance légitime dans le maintien de la réglementation en vigueur. Le Tribunal a ajouté que les requérants de première instance ne pouvaient pas prétendre que le contexte de la présente affaire, à savoir la nécessité de réformer les conditions du régime de pension complémentaire, était imprévisible ou leur était inconnu.

38      S’agissant du quatrième moyen des recours, le Tribunal a examiné, aux points 86 à 97 de l’arrêt attaqué, la première branche de ce moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité, et, aux points 100 à 109 de cet arrêt, la seconde branche dudit moyen, tirée de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

39      En ce qui concerne la première branche du quatrième moyen, le Tribunal a constaté, au point 88 de l’arrêt attaqué, s’agissant de la légitimité des objectifs poursuivis par la décision du 10 décembre 2018, que les mesures prises étaient destinées, au vu des comptes du fonds de pension complémentaire volontaire, premièrement, à prendre un certain nombre de mesures inévitables sur le plan économique afin d’améliorer la viabilité de ce fonds, deuxièmement, à remédier au problème croissant de liquidité, troisièmement, à réduire le déficit actuariel et, quatrièmement, à réduire les conséquences négatives pour le contribuable de l’Union. À cet égard, au point 89 de cet arrêt, le Tribunal a rappelé, en se référant aux arrêts du 18 octobre 2011, Purvis/Parlement (T‑439/09, EU:T:2011:600, point 45), et du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, point 74), que le total des contributions annuelles des affiliés et du Parlement doit, en principe, couvrir la totalité des droits à pension acquis dans la même année.

40      Le Tribunal a ainsi constaté, aux points 90 à 97 de l’arrêt attaqué, que, d’une part, les objectifs visant à résoudre les problèmes de liquidité affectant les fonds et à réduire le déficit actuariel qui, à la fin de l’année 2017, était considérable et en forte augmentation étaient légitimes et que, d’autre part, les mesures adoptées, à savoir le relèvement de l’âge de la retraite de 63 à 65 ans et la mise en place du prélèvement de 5 % sur tous les paiements de pension pour ceux qui n’étaient pas encore retraités, n’étaient pas manifestement inappropriées pour réaliser les objectifs visés.

41      En ce qui concerne la seconde branche du quatrième moyen, le Tribunal a examiné aux points 100 à 109 de l’arrêt attaqué la violation alléguée du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination découlant de la comparaison entre différents systèmes de droits à pension.

42      À titre liminaire, le Tribunal a rappelé, aux points 100 et 101 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante, notamment énoncée par l’arrêt du 13 mars 2013, Inglewood e.a./Parlement (T‑229/11 et T‑276/11, EU:T:2013:127, points 112 et 113), selon laquelle, d’une part, il y a une violation du principe d’égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique et, d’autre part, dans un domaine dans lequel le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le juge, dans son contrôle du respect du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination, se limite à vérifier que l’institution concernée n’a pas procédé à une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate.

43      À cet égard, aux points 103 à 109 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à l’examen entre les régimes de pension invoqués.

44      Tout d’abord, le Tribunal a constaté, au point 103 de l’arrêt attaqué, que le régime de pension d’ancienneté prévu à l’article 14 du statut des députés et le régime de pension complémentaire volontaire sont différents, en ce que le premier, qui prévoit la retraite des anciens députés à l’âge de 63 ans révolus, est obligatoire et entièrement à la charge du budget de l’Union alors que le second n’est pas obligatoire et n’est à la charge du budget de l’Union que pour deux tiers seulement des contributions. Le Tribunal en a conclu que l’existence de ces différences n’entraîne pas en soi une violation du principe d’égalité de traitement.

45      Ensuite, au point 105 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également considéré que la situation des députés soumis à l’annexe VII de la réglementation FID et dont les droits à pension n’étaient pas exigibles au 1er janvier 2019 est différente de celle des députés également soumis à cette annexe VII mais dont les droits à pension étaient exigibles avant le 1er janvier 2019, en ce que les premiers ne bénéficiaient pas encore de leurs droits à la pension complémentaire à la date d’application de la décision du 10 décembre 2018, alors que les autres en bénéficiaient déjà et avaient, à cette date, définitivement acquis leurs droits à la pension complémentaire. Par conséquent, selon le Tribunal, les situations factuelle et juridique différentes justifiaient que ces derniers aient pu se voir appliquer un traitement différent.

46      Enfin, au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait observer qu’il existe également des différences essentielles dans les situations factuelle et juridique des fonctionnaires de l’Union et des députés au Parlement, dans la mesure où ils sont soumis à des statuts différents.

47      Ainsi, au point 108 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que les situations invoquées par les requérants de première instance étaient différentes de celles qui leur étaient applicables et ne pouvaient ainsi fonder une violation du principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination.

48      Quant au cinquième moyen des recours, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et de l’absence de mesures transitoires, le Tribunal a rappelé, tout d’abord, aux points 112 à 114 de l’arrêt attaqué, que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union et que ce principe s’oppose, notamment, à ce qu’un acte de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication. Or, à cet égard, le Tribunal a relevé qu’aucun élément ne permettait de conclure que la décision du 10 décembre 2018, qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 28 décembre 2018, aurait produit des effets rétroactifs avant son entrée en vigueur le 1er janvier 2019.

49      S’agissant, ensuite, de l’argument relatif à l’absence de période transitoire, le Tribunal a rappelé, au point 120 de l’arrêt attaqué, que l’exigence d’une période transitoire ne se conçoit que pour autant qu’il existe des droits acquis dont peuvent se prévaloir les fonctionnaires et les agents de l’Union. Or, comme il l’avait déjà indiqué aux points 73 à 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souligné, au point 121 de cet arrêt, que les requérants de première instance ne possédaient pas de droits acquis ou en cours d’acquisition en l’espèce.

50      En outre, au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, en se référant à l’arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI (T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469, point 109), que l’objectif d’une période transitoire est de ne pas violer une attente légitime quant au maintien d’une réglementation et que, ainsi, si, en présence d’une réglementation qu’elle entend modifier ou supprimer, l’autorité ne viole pas une attente légitime quant à son maintien lorsqu’elle assortit les nouvelles dispositions d’une période transitoire d’une durée suffisante, il n’en découle pas nécessairement que l’absence de période transitoire constitue ipso facto une violation de la confiance légitime.

51      De plus, au point 123 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que, à supposer même qu’une confiance légitime ait été créée en l’espèce, quod non, il ressort de la jurisprudence, notamment de l’arrêt du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 85), qu’un intérêt public péremptoire peut s’opposer à l’adoption de mesures transitoires pour des situations nées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, mais non achevées dans leur évolution.

52      Enfin, au point 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal en a déduit, que la viabilité du fonds pouvait constituer un intérêt public péremptoire de nature à s’opposer à l’adoption de mesures transitoires, qui auraient privé la réforme entreprise de tout sens économique.

53      Partant, le Tribunal a rejeté le cinquième moyen ainsi que, par voie de conséquence, sans statuer sur les exceptions de recevabilité soulevées par le Parlement, les recours dans leur ensemble.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

54      Par décision du 14 décembre 2022, le président de la dixième chambre a, en vertu de l’article 54, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, joint les affaires C‑715/21 P et C‑716/21 P aux fins de l’arrêt.

55      Les requérants demandent à la Cour :

–        d’annuler les arrêts attaqués dans leur intégralité ;

–        de trancher les litiges et d’annuler les décisions litigieuses, et

–        de condamner le Parlement aux dépens de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal dans les affaires T‑243/20 et T‑245/20.

56      Le Parlement demande à la Cour :

–        de rejeter les pourvois dans leur intégralité et

–        de condamner les requérants aux dépens afférents aux présent pourvois.

 Sur le pourvoi

 Sur la recevabilité

 Argumentation des parties

57      Le Parlement conteste la recevabilité des présents pourvois en faisant valoir que ceux-ci n’indiquent pas de façon précise les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique les demandes d’annulation de l’arrêt attaqué. En effet, selon le Parlement, les éléments avancés par les requérants dans leur pourvoi se contenteraient de répéter ou de reproduire les arguments avancés devant le Tribunal ainsi que de demander un réexamen de leurs requêtes de première instance sur la base d’un raisonnement alternatif à celui du Tribunal. Ainsi, les conditions fixées à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui limitent le pourvoi aux questions de droit, ne seraient pas remplies.

58      Les requérants concluent à la recevabilité des pourvois.

 Appréciation de la Cour

59      Il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169 du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (arrêt du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 18 et jurisprudence citée).

60      En outre, la Cour a itérativement jugé qu’un requérant est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant elle, des moyens nés de la décision du Tribunal attaquée elle-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêt du 26 février 2020, SEAE/Alba Aguilera e.a., C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

61      Or, en l’espèce, les moyens invoqués dans les pourvois satisfont à ces exigences. De surcroît, l’argumentation développée par les requérants est exposée de façon précise et permet, par conséquent, à la Cour d’exercer la mission qui lui incombe et d’effectuer son contrôle de la légalité de l’arrêt attaqué.

62      Il résulte des considérations qui précèdent que les pourvois sont recevables.

 Sur le fond

63      À l’appui de leurs pourvois, les requérants soulèvent quatre moyens, tirés, le premier, de l’incompétence du Bureau pour adopter la décision du 10 décembre 2018, le deuxième, de la violation de l’article 27, paragraphe 2, première phrase, du statut des députés, le troisième, de la violation des principes d’égalité et de non-discrimination ainsi que du principe de proportionnalité et, le quatrième, de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

 Sur le premier moyen

–       Argumentation des parties

64      Par leur premier moyen, qui vise les points 38 à 40 de l’arrêt attaqué et est tiré de l’incompétence du Bureau pour adopter la décision du 10 décembre 2018, les requérants soutiennent que, conformément à l’article 25 du règlement intérieur du Parlement, le Bureau doit se limiter à procéder à l’application du statut des députés et à arrêter le montant des indemnités sur la base du budget annuel. Quant à la circonstance que le paragraphe 3 de cet article énonce que le Bureau « règle les questions financières [...] concernant les députés », elle ne signifierait pas que le Bureau est compétent pour fixer ou changer l’âge de la retraite et établir le taux de l’indemnité des députés. En outre, en adoptant la décision du 10 décembre 2018, qui est une norme législative au sens de l’article 289 TFUE, le Bureau, simple organe administratif, aurait enfreint la hiérarchie des normes et l’équilibre institutionnel. Aussi le Tribunal aurait-il commis une erreur de droit en estimant, au point 40 de l’arrêt attaqué, que le Bureau était compétent pour adopter la décision du 10 décembre 2018, et ce sans même procéder à l’analyse de l’article 27 du statut des députés.

65      Le Parlement conclut au rejet du premier moyen de pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

66      Dès lors que les requérants invoquent l’article 289 TFUE et l’« équilibre institutionnel », il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une réglementation entre dans le cadre des mesures d’organisation interne du Parlement, elle relève du champ de sa compétence et des mesures qu’il lui appartient de prendre en vertu de l’article 232 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1981, Bruce of Donington, 208/80, EU:C:1981:194, point 15). Tel est, notamment, le cas de la réglementation relative au régime de pension complémentaire volontaire en cause dans le présent litige, dans la mesure où ce régime a pour objet, dans l’intérêt général, d’assurer l’indépendance financière des députés et, par là même, le bon fonctionnement du Parlement.

67      À cet égard, l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement énonce que le Bureau règle les questions financières, organisationnelles et administratives concernant les députés sur proposition du secrétaire général de cette institution ou d’un groupe politique. Cette disposition attribue donc une compétence générale au Bureau en matière, notamment, de questions financières concernant les députés et, partant, constitue la base sur laquelle celui-ci peut se fonder pour adopter, sur proposition du secrétaire général du Parlement ou d’un groupe politique, la réglementation relative à ces questions.

68      En outre, comme l’a relevé le Tribunal au point 38 de l’arrêt attaqué, les conditions de paiement des pensions complémentaires figurent non pas dans le statut des députes, dont l’article 27 se limite à renvoyer à la compétence du Parlement pour la fixation des conditions à l’acquisition de nouveaux droits, mais à l’article 76 des mesures d’application.

69      C’est dès lors à bon droit que le Tribunal, après avoir procédé à l’analyse de l’article 27 du statut des députés et relevé que la modification du régime de pension complémentaire constituait une mesure relative aux questions financières concernant les députés, a jugé que la décision du 10 décembre 2018 relevait de la compétence générale du Bureau en application de l’article 25, paragraphe 3, du règlement intérieur.

70      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

–       Argumentation des parties

71      Par leur deuxième moyen, les requérants soutiennent en substance que, en jugeant, en réponse à la première branche du troisième moyen de leurs recours, que le Bureau pouvait, sans violer l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés, relever l’âge de départ à la retraite et instituer le prélèvement de 5 % par la décision du 10 décembre 2018, le Tribunal a commis une erreur de droit.

72      En effet, tout d’abord, l’interprétation littérale de cette disposition, en particulier les termes « sont entièrement maintenus », confirmerait le fait que le législateur de l’Union a entendu figer les conditions relatives aux droits acquis et aux droits en cours d’acquisition.

73      Ensuite, s’agissant de l’interprétation contextuelle et systématique de l’article 27 du statut des députés, les requérants font observer que les articles 25 à 29 de ce statut constituent des dispositions transitoires, de nature matérielle, destinées à maintenir le régime de pension complémentaire. De plus, ledit article 27 opérerait une distinction entre, d’une part, les droits acquis et ceux en cours d’acquisition avant l’entrée en vigueur du statut des députés (« droits pré-statuaires ») et, d’autre part, les nouveaux droits et ceux à acquérir après l’entrée en vigueur de ce statut (« droits post-statuaires »). Or, les premiers devraient être considérés comme acquis et maintenus dans leur totalité.

74      Par ailleurs, l’interprétation logique et téléologique de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés conduirait au même résultat que l’interprétation littérale et contextuelle. En particulier, il serait illogique et contraire à la finalité de ce statut de considérer que celui-ci a établi les conditions relatives à la pension statutaire et laissé à la discrétion du Bureau la tâche de fixer les conditions relatives à la pension du régime complémentaire.

75      Enfin, en ce qui concerne les travaux préparatoires de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés, les requérants rappellent que le Parlement a, dans sa résolution du 24 octobre 2018, demandé au secrétaire général du Parlement et au Bureau d’établir d’urgence « un plan clair pour que le Parlement endosse et assume pleinement ses obligations et ses responsabilités pour le régime de pension volontaire de ses députés » immédiatement après les élections qui devaient avoir lieu au cours de l’année 2019. Or, selon cette même résolution, ce plan devait être établi « dans le plein respect du statut des députés », ce qui implique que le Bureau ne pouvait adopter des mesures contraires à l’article 27, paragraphe 2, de ce statut et, en particulier, des mesures affectant les droits acquis et les droits en cours d’acquisition antérieurs à l’entrée en vigueur dudit statut.

76      Quant à la jurisprudence relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur, mentionnée par le Tribunal, elle serait privée de pertinence, dès lors que ni l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés ni une disposition similaire n’étaient en vigueur dans les affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence.

77      Le Parlement conclut au rejet du deuxième moyen.

–       Appréciation de la Cour

78      L’article 27, paragraphe 2, du statut des députés énonce que les droits acquis ou en cours d’acquisition sont entièrement maintenus et ajoute que le Parlement peut mettre des préalables et des conditions à l’acquisition de nouveaux droits.

79      Selon la jurisprudence constante de la Cour, il est de principe que les lois modificatives d’une disposition législative s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63 et jurisprudence citée).

80      Ainsi, c’est à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 60 de l’arrêt attaqué, que, dans le cas d’espèce, relatif au régime de pension complémentaire volontaire des membres du Parlement, aucun droit à pension ne pouvait être considéré comme acquis à moins que le fait générateur de ce droit ne se soit produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée.

81      Il ressort de l’arrêt attaqué ainsi que des indications des requérants dans leurs pourvois que, à défaut de l’adoption de la décision du 10 décembre 2018, M. Galeote et M. Watson auraient pu prétendre à une pension au titre du régime de pension complémentaire volontaire, respectivement, le 1er février 2020 et le 1er août 2019.

82      Il s’ensuit que, lors de l’adoption de la décision du 10 décembre 2018, les requérantes étaient titulaires non pas de droits acquis, mais uniquement de droits en cours d’acquisition. Le Tribunal devait, dès lors, déterminer si l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés, en ce qu’il prévoit que les droits en cours d’acquisition « sont entièrement maintenus », doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’augmentation de l’âge de la retraite pour les bénéficiaires du régime de pension volontaire complémentaire n’ayant pas encore obtenu une pension au titre de ce régime.

83      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 61 de l’arrêt attaqué, il découle de la jurisprudence de la Cour afférente à l’interprétation de la directive 2008/94/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, relative à la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur (JO 2008, L 283, p. 36), que des nécessités de nature économique, telle l’insolvabilité de l’employeur, peuvent justifier la réduction des droits acquis à condition que le principe de proportionnalité soit respecté (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Pensions-Sicherungs-Verein, C‑168/18, EU:C:2019:1128, point 39).

84      S’il est vrai que, comme le font valoir les requérants, cette jurisprudence n’a pas été dégagée dans une affaire mettant en cause le statut des députés, il peut toutefois être déduit de celle-ci qu’il n’existe pas, en droit de l’Union, de principe selon lequel les droits acquis et, encore moins les droits en cours d’acquisition, ne sauraient en aucun cas être modifiés ou réduits. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 62 de l’arrêt attaqué, qu’il est possible, sous certaines conditions, de modifier de tels droits, à la suite d’une mise en balance des intérêts en cause.

85      En outre, aux points 67 à 71 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une interprétation de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés au regard de son libellé, de son contexte et de sa finalité. Il en a conclu, aux points 72 et 74 de cet arrêt, que, à la suite de l’entrée en vigueur du statut des députés, le régime de pension complémentaire était maintenu pour les membres du Parlement qui y étaient déjà affiliés, que le Bureau restait compétent pour définir et modifier les modalités d’acquisition du droit à la pension complémentaire et que, à ce titre, il pouvait, en principe, apporter des modifications en ce qui concerne l’avenir, c’est-à-dire à l’égard des affiliés à ce régime qui, à l’instar des requérants, n’avaient pas encore bénéficié de droits à la pension complémentaire, au motif qu’ils n’en remplissaient pas les conditions d’acquisition à la date du 1er janvier 2019.

86      Contrairement à ce que font valoir les requérants, cette conclusion n’est entachée d’aucune erreur de droit. Comme le Tribunal, l’a, en substance, relevé au point 68 de l’arrêt attaqué, une interprétation littérale de la phrase « les [...] droits en cours d’acquisition sont entièrement maintenus », figurant à l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés, ne conduit pas nécessairement à la conclusion selon laquelle le législateur a entendu « figer » les conditions d’acquisition des droits à la pension complémentaire pour l’avenir, y compris le montant de la pension auquel un ancien député peut prétendre. Ainsi qu’il ressort des considérations figurant aux points 69 à 72 de l’arrêt attaqué, relatives au contexte dans lequel s’insère cette disposition ainsi qu’à la finalité poursuivie par le législateur, ladite phrase traduisait simplement la volonté du législateur de maintenir le régime de pension complémentaire pour les membres du Parlement qui y étaient déjà affiliés, à la différence des membres du Parlement élus pour la première fois après l’entrée en vigueur du statut des députés et qui ne pouvaient plus y adhérer.

87      Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette interprétation contextuelle du statut des députés n’est entachée d’aucune erreur de droit. En effet, la circonstance que certaines versions linguistiques de l’article 27, paragraphes 2 et 3, de ce statut font référence non seulement aux nouveaux droits mais aussi aux nouvelles attentes ou expectatives de droits ne permet pas de réfuter la constatation, figurant aux points 69 à 71 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, par cette disposition, le Parlement s’est limité à introduire une disposition transitoire visant à définir le champ d’application personnel du régime de pension complémentaire en précisant quels étaient les groupes de députés qui pouvaient maintenir leurs droits à la pension complémentaire, par opposition à ceux qui devaient nécessairement adhérer au nouveau régime de pension introduit par le statut des députés.

88      Les autres arguments avancés par les requérants, tirés de l’indépendance des articles 25 et 29 du statut des députés par rapport à l’article 27, paragraphe 3, de ce statut et de la teneur, qualifiée de matérielle, de ce dernier article ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette appréciation. En effet, comme l’a relevé le Tribunal au point 69 de l’arrêt attaqué, les articles 25 et 29 du statut des députés ne contiennent aucune disposition réglementant les conditions matérielles d’acquisition des droits à pension. Quant à l’article 27, paragraphe 3, de ce statut, il précise seulement que les députés qui perçoivent l’indemnité visée à l’article 10 ne peuvent plus acquérir de nouveaux droits dans le fonds de pension volontaire. En désignant les groupes de députés qui, bien qu’affiliés au régime de pension complémentaire au moment de l’entrée en vigueur du statut, ne peuvent plus acquérir de nouveaux droits, cette disposition participe donc de la définition du champ d’application personnel de ce régime.

89      Dès lors, comme le Tribunal l’a jugé à bon droit au point 84 de l’arrêt attaqué, il ne saurait être déduit de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés la volonté du législateur d’interdire toute modification des modalités dudit régime pour l’avenir.

90      Ainsi, les arguments avancés par les requérants tirés de l’interprétation littérale, contextuelle et systématique, logique et téléologique de l’article 27, paragraphe 2, du statut des députés doivent être écartés.

91      Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen

–       Argumentation des parties

92      Par son troisième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir méconnu tant les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination que le principe de proportionnalité.

93      S’agissant, en premier lieu, de la violation alléguée des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, les requérants font grief au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en considérant, au point 103 de l’arrêt attaqué, que les députés relevant du statut des députés pour leur pension et ceux relevant de l’annexe VII de la réglementation FID n’étaient pas dans la même situation et, au point 105 de cet arrêt, que les députés soumis à cette annexe VII et dont les droits à pension n’étaient pas encore exigibles au 1er janvier 2019 et ceux soumis à ladite annexe et dont les droits à pension étaient exigibles avant cette date n’étaient pas non plus dans la même situation.

94      Les requérants soulignent que la situation des députés qui sont entrés en fonction après le 1er janvier 2019 équivaut à celle des députés qui exerçaient leur fonction avant cette date, puisque la fonction parlementaire est demeurée inchangée. En outre, le statut des députés établirait une pension fort similaire à celle du régime complémentaire, dont il se serait inspiré.

95      En ce qui concerne, en second lieu, la violation alléguée du principe de proportionnalité, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 72 et 74 de l’arrêt attaqué, dès lors qu’il n’a pas tenu compte du fait que, parmi les différentes justifications invoquées pour l’adoption de la décision du 10 décembre 2018, seule celle tenant à la réduction des conséquences négatives pour le contribuable était valable, dès lors que les obligations du régime de pension complémentaire volontaire sont à la charge du budget du Parlement. En effet, ce dernier aurait la responsabilité globale de garantir les paiements de ce régime dans le cas où les actifs du fonds de pension complémentaire s’avéreraient insuffisants. À supposer même que les mesures contenues dans cette décision poursuivent un objectif légitime, en ce sens qu’elles seraient destinées à améliorer la viabilité du fonds de pension complémentaire et à apporter une solution au problème de liquidité en réduisant le déficit, elles n’auraient pour effet que de réduire ledit déficit d’à peine 4,5 %. Plus généralement, l’ensemble des obligations des députés soumis au régime de pension complémentaire volontaire, jouissant de droits acquis et de droits en cours d’acquisition avant l’entrée en vigueur du statut des députés, ne représenterait que 0,93 % du budget annuel de l’Union.

96      Le Parlement conclut au rejet du troisième moyen. En particulier, il souligne que les arguments soulevés par les requérants sont de nature factuelle et, en tout état de cause, inopérants.

–       Appréciation de la Cour

97      S’agissant, de la première branche du troisième moyen, tirée de la méconnaissance alléguée du principe d’égalité de traitement par le Tribunal, il y a lieu de rappeler que ce principe est violé lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêt du 4 mars 2010, Angé Serrano e.a./Parlement, C‑496/08 P, EU:C:2010:116, point 99).

98      En l’espèce, il ressort du point 98 de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, les requérants ont invoqué la violation du principe d’égalité de traitement en raison d’une discrimination, notamment, d’une part, entre les députés relevant du statut et ayant droit à une pension à l’âge de 63 ans et les députés relevant de l’annexe VII de la réglementation FID dont les droits à pension n’étaient pas exigibles au 1er janvier 2019 ainsi que, d’autre part, entre les députés soumis à cette annexe VII et dont les droits à pension n’étaient pas été exigibles au 1er janvier 2019 et ceux dont les droits à pension étaient exigibles avant le 1er janvier 2019.

99      Or, au point 103 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que le régime de pension d’ancienneté prévu à l’article 14 du statut des députés et qui prévoit la retraite des anciens députés à l’âge de 63 ans révolus est obligatoire et entièrement à la charge du budget de l’Union, de telle sorte qu’il est différent du régime de pension complémentaire volontaire, non obligatoire et à la charge du budget de l’Union pour deux tiers seulement des contributions versées, en cause en l’espèce. Au surplus, le Tribunal a relevé que l’article 14 du statut des députés mentionne que la pension d’ancienneté existe indépendamment de toute autre pension. Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 103 de l’arrêt attaqué, que l’existence de différences entre le régime applicable en matière de pension d’ancienneté et en matière de pension complémentaire volontaire n’entraîne pas en soi une violation du principe d’égalité de traitement. L’éventuelle similitude entre les deux régimes de pension, alléguée par la requérante, ne saurait justifier une conclusion différente.

100    Pour ce qui est la situation des députés soumis à l’annexe VII de la réglementation FID et dont les droits à pension étaient exigibles avant le 1er janvier 2019, également invoquée par les requérants devant le Tribunal, ce dernier a souligné, au point 105 de l’arrêt attaqué, que les premiers avaient définitivement acquis, à ladite date, leur droit à la pension complémentaire, contrairement aux députés soumis à cette même annexe mais dont les droits à pension n’étaient pas exigibles à cette date. Par conséquent, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en constatant que ces deux groupes de députés, qui se trouvaient dans des situations factuelles et juridiques différentes, avaient pu se voir appliquer un traitement différent.

101    En conséquence, la première branche du troisième moyen doit être écartée.

102    S’agissant de la seconde branche du troisième moyen, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 206 ainsi que jurisprudence citée).

103    Au point 88 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les mesures prises en vertu de la décision du 10 décembre 2018 étaient destinées à améliorer la viabilité du fonds de pension complémentaire volontaire, à remédier au problème croissant de liquidité, à réduire le déficit actuariel et à restreindre les conséquences négatives pour le contribuable européen.

104    Or, les requérants font valoir que seul l’objectif de réduction des conséquences pour le contribuable de l’Union serait susceptible de justifier l’adoption de la décision du 10 décembre 2018. S’agissant de cet objectif, ils contestent non pas la légitimité du but poursuivi mais le caractère approprié de la mesure pour atteindre ce but.

105    À cet égard, il suffit de relever que le Tribunal a constaté, au point 93 de l’arrêt attaqué, que les mesures adoptées étaient de nature à réduire le déficit actuariel de 13,6 millions d’euros, à éviter une évolution négative de la durée de vie du fonds et à garantir que la charge soit partagée entre le Parlement et les affiliés au régime de retraite.

106    Or, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 89 de l’arrêt attaqué, que les objectifs poursuivis par la décision du 10 décembre 2018, prise par le Bureau dans l’exercice de sa compétence pour réglementer le régime de pension complémentaire, étaient légitimes. S’agissant de l’argument des requérants selon lequel les obligations du régime de pension complémentaire sont à la charge du budget du Parlement, qui est tenu de garantir les paiements de ce régime si les actifs du fonds de pension complémentaire ne suffisent pas, il y a lieu de relever que les requérants n’ont invoqué aucune disposition spécifique, prétendument méconnue par le Tribunal, dont découlerait une telle obligation. En tout état de cause, à supposer que, comme l’allèguent les requérants, le seul objectif des mesures arrêtées par la décision du 10 décembre 2018 était la réduction des conséquences négatives pour le contribuable, un tel objectif n’en serait pas moins légitime.

107    Par conséquent, la seconde branche du troisième moyen doit être écartée et le moyen rejeté dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen

–       Argumentation des parties

108    Par leur quatrième moyen, les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit, d’une part, aux points 116, 117, 120, 121, 123 et 124 de l’arrêt attaqué, relatifs au cinquième moyen de leurs recours, tiré, notamment, de la violation du principe de sécurité juridique et, d’autre part, aux points 81 et 82 de cet arrêt, qui portent sur la seconde branche du troisième moyen de leurs recours, tirée de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

109    En particulier, s’agissant de la violation alléguée du principe de sécurité juridique, les requérants soutiennent que le régime de pension complémentaire a fait l’objet d’une modification juridique soudaine et que les mesures contenues dans la décision du 10 décembre 2018 sont entrées en vigueur en l’absence de toute disposition transitoire appropriée. Aux points 123 et 124 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait fondé sur l’hypothèse de l’existence d’un « intérêt public péremptoire » justifiant l’adoption des mesures litigieuses, mais il aurait omis de tenir compte du fait que la détermination incorrecte par le Bureau des contributions versées par les députés était à l’origine du déficit et du problème de liquidité allégués et que, en tout état de cause, le régime de pension complémentaire était garanti par le budget du Parlement.

110    Concernant la violation alléguée du principe de la confiance légitime, les requérants soulignent que le statut des députés a été adopté après de longues années de négociation qui ont abouti à un accord politique prévoyant la transition vers un régime de pension intégré dans le statut des députés, dans lequel les droits acquis et les droits en cours d’acquisition « pré-statuaires » devaient être respectés. Ainsi, une confiance légitime serait née de la consécration de cet accord politique dans le texte du statut des députés et de la croyance légitime dans le respect par le Bureau des attributions qui lui sont octroyées par ce statut et de leurs limites.

111    Une telle conclusion ne serait pas affectée par la circonstance que, comme l’aurait relevé le Tribunal au point 81 de l’arrêt attaqué, les recours introduits contre des modifications antérieures du régime de pension complémentaire apportées par le Bureau ont été rejetés par le Tribunal et la Cour puisque, précisément, ces modifications étaient intervenues avant l’entrée en vigueur du statut des députés.

112    Le Parlement conclut au rejet du moyen, en soulignant que les requérants n’identifient pas clairement quelles erreurs de droit auraient été commises dans l’arrêt attaqué. S’agissant du grief tiré de la méconnaissance du principe de la confiance légitime, il considère que le Tribunal a examiné à juste titre les trois conditions cumulatives qui doivent être remplies pour réclamer la protection de la confiance légitime et que celles-ci n’étaient pas remplies en l’espèce.

–       Appréciation de la Cour

113    S’agissant, d’une part, du grief tiré de la violation de la sécurité juridique, il convient de rappeler que l’exigence fondamentale de la sécurité juridique, dans ses différentes manifestations, vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20). Le principe de sécurité juridique s’oppose, notamment, à ce qu’un acte de l’Union voie son point de départ fixé à une date antérieure à sa publication [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 106] .

114    En l’espèce, ainsi que le Tribunal l’a correctement relevé au point 121 de l’arrêt attaqué, à la date d’entrée en vigueur de la décision du 10 décembre 2018, soit le 1er janvier 2019, les requérants possédaient non pas des droits acquis mais seulement des droits en cours d’acquisition au titre du régime de pension complémentaire volontaire. Or, ainsi qu’il ressort du point 86 du présent arrêt et que le Tribunal l’a aussi, en substance, relevé au point 75 de l’arrêt attaqué, auquel renvoie le point 121 de cet arrêt, la simple existence de la perspective du droit à une pension au titre du régime complémentaire volontaire n’impliquait pas, tant que le droit à cette pension n’avait pas été définitivement acquis et que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’une liquidation, la des modalités et des conditions de la pension. Il ne saurait, dès lors, être question d’une atteinte à la sécurité juridique nécessitant l’adoption de mesures transitoires du fait que, en raison de la modification de l’âge de la retraite en vertu de la décision du 10 décembre 2018, une personne placée dans la situation des requérants était susceptible de ne pouvoir obtenir une pension au titre du régime complémentaire volontaire qu’à une date postérieure à celle à laquelle elle aurait pu obtenir une telle pension en l’absence de cette modification.

115    Il s’ensuit que les considérations exposées aux points 116 à 121 de l’arrêt attaqué suffisaient pour justifier le rejet, par le Tribunal, de l’argument des requérants tiré de la violation du principe de sécurité juridique du fait de l’absence de mesures transitoires ayant assorti l’adoption de la décision du 10 décembre 2018. Les motifs exposés aux points 123 et 124 de l’arrêt attaqué présentent, dès lors, un caractère surabondant, si bien que l’argumentation des requérants dirigée contre ces points doit être écartée comme étant inopérante (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 148, ainsi que du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, points 111 et 112).

116    En ce qui concerne, d’autre part, le grief tiré de la violation du principe de confiance légitime, il y a lieu de relever qu’il ne ressort ni de l’arrêt attaqué ni du dossier de première instance transmis à la Cour conformément à l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour que les requérants auraient invoqué, dans leurs recours devant le Tribunal, les allégations, résumées au point 111 du présent arrêt, relatives à un accord politique ayant précédé l’adoption du statut des députés. En effet, ainsi qu’il ressort du point 78 de l’arrêt attaqué, à l’appui de la seconde branche du troisième moyen de leurs recours de première instance, examinée et rejetée par le Tribunal aux points 80 à 82 de cet arrêt, les requérants s’étaient limités à invoquer le fait qu’ils pouvaient anticiper une certaine valeur nominale de leur pension correspondant au montant de leurs contributions. Il en ressort que l’argumentation des requérants résumée au point 111 du présent arrêt constitue un moyen nouveau, non soulevé devant le Tribunal.

117    Or, conformément à une jurisprudence constante, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges (arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, point 126 ainsi que jurisprudence citée).

118    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être écarté.

119    Aucun des moyens n’ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

120    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure du pourvoi en vertu de l’article 182, paragraphe 1, de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

121    En l’espèce, les requérants ayant succombé et le Parlement ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de les condamner aux dépens du Parlement afférents au pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      Les pourvois sont rejetés.

2)      M. Gerardo Galeote et M. Graham Watson sont condamnés aux dépens.


Gratsias

Ilešič

Jarukaitis


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

D. Gratsias



*      Langue de procédure : le français.

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