Religion

Le chef de chœur de la cathédrale de Chartres licencié par l'Église en Eure-et-Loir

Le chef de chœur de la cathédrale de Chartres licencié par l'Église en Eure-et-Loir
Nicolas Lhoste, chantre et coordinateur musical de la cathédrale de Chartres. © Simon Dechet
Le chantre de la cathédrale s’est tu. Nicolas Lhoste a été licencié par l’Église qui l’employait. Des catholiques sont en émoi. Nicolas Lhoste, choqué, s'étonne de la forme qu'aurait pris son renvoi et affirme qu'il aurait attendu "davantage de bienveillance". L'évêque de Chartres, interrogé, évoque la situation et l’assure : "Ce n’est pas un sujet."

À la grande messe de 11 heures, en la cathédrale de Chartres, dimanche dernier, le cœur des fidèles était certainement tourné vers les textes bibliques du jour et vers la prière. Mais chez certains paroissiens, l’esprit était aussi tourné vers le désormais ex-chantre de la cathédrale, Nicolas Lhoste, dont ils ont appris "le départ" par le bouche-à-oreille, après dix-sept ans au service de la musique et de la liturgie.

"Un départ" qui est en réalité un "licenciement pour cause réelle et sérieuse", précise Nicolas Lhoste, "brutal, difficile à digérer. Ça me touche beaucoup", assure celui qui vient de boucler la saison des concerts musicaux à la cathédrale. "C’est un constat désolant et un regret de la situation."

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Ce licenciement intervient quelques années après celui d’une autre figure de l’Église diocésaine, celle de Gilles Fresson, ancien coordinateur de la cathédrale. D’autres licenciements et départs ont été constatés dans divers services de l’Église en Eure-et-Loir, depuis l’arrivée de l’actuel évêque, "ce qui n’était pas la pratique auparavant", indique une source interne.

"On m’a demandé que je rende mes clés et que je quitte les locaux dans l’instant."

Le renvoi de Nicolas Lhoste a provoqué un émoi au sein de la communauté catholique d’Eure-et-Loir. Entre surprise et étonnement, beaucoup s’interrogent ou s’indignent. Mais pas publiquement. Le poids, sans doute, de l’obéissance à l’Église catholique. Des fidèles ont cependant annoncé qu’ils allaient écrire à l’évêque de Chartres. Ce dernier, interrogé, évoque la situation et l’assure : "Ce n’est pas un sujet." (lire plus bas).

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Nicolas Lhoste, natif de Chartres, est entré dans la maîtrise de la cathédrale en 1982, à l’âge de 9 ans. Il a consacré sa vie, jusqu’alors, à la musique et à la liturgie, en tant que chantre et coordinateur musical, payé par l’Église, mais aussi chef de chœur de la maîtrise de la cathédrale."

"J’ai été engagé par un curé recteur qui était différent et qui m’a soumis son cahier des charges par rapport à ce qu’il souhaitait." On comprend alors qu’aux yeux de Nicolas Lhoste, l’ambiance aurait évolué, après le départ du père Dominique Aubert à Gallardon, en 2016, puis des changements dans l’équipe.

"Mon patron direct, qui reste le curé de la cathédrale, n’était pas présent"

Nicolas Lhoste parle "d’un dialogue qui a été difficile et qui n’a jamais vraiment pu s’initier". Sans doute pas de quoi engendrer, en principe, un licenciement. Nicolas Lhoste fait aussi état d’un différend, selon lui, sur les horaires.

"On m’a reproché récemment de trop m’investir, de trop travailler et de faire trop d’heures, soutient-il, alors que je n’ai jamais réclamé, en dix-sept ans, le règlement d’heures supplémentaires".

D’où, peut-être, une liberté trop importante dans sa gestion du temps ? Il explique qu’il lui aurait été demandé au début de cette année de, en substance, respecter des horaires de bureau qui sont, selon lui, incompatibles avec sa mission liturgique et musicale, "où il faut s’adapter en permanence, par rapport au calendrier où l’activité est plus ou moins soutenue : d’un côté Noël, la semaine sainte, Pâques, les concerts estivaux etc. Et le temps ordinaire de l’autre, un peu plus calme, où l’activité peut quand même fluctuer en fonction des mariages, des obsèques…"

"On imagine davantage de bienveillance"

Outre le fond, dont il est difficile ici d’apprécier objectivement la teneur, Nicolas Lhoste a été "beaucoup blessé" par la forme que son licenciement aurait, selon lui, prise. "J’ai eu un premier entretien avec la responsable des ressources humaines du diocèse de Chartres, où on m’a demandé de m’expliquer sur certaines choses et un second entretien où on m’a signifié mon licenciement. Mon patron direct, qui reste le curé de la cathédrale, n’était pas présent", regrette-t-il.

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"On peut faire les choses autrement. Cette manière brutale de dire que vous êtes licencié, que vous devez quitter les lieux. Quand on m’a signifié mon licenciement, on m’a demandé que je rende mes clés et que je quitte les locaux dans l’instant, mais également que je prenne rendez-vous pour venir récupérer le reste de mes effets", affirme Nicolas Lhoste.

Une façon d’opérer "un peu surprenante", estime Nicolas Lhoste, "parce qu’on ne s’attend pas à cela d’une entité ecclésiale. On imagine davantage de bienveillance".

Nicolas Lhoste pense aussi à ceux qui restent et pour qui "les choses s’arrêtent aussi brusquement, à un certain nombre d’entités qui sont dans l’embarras, au niveau de l’aspect musical notamment". Pour ce père de trois enfants, dorénavant sans activité professionnelle, l’heure est la réflexion. "Il faut que je prenne le temps, effectivement, de réfléchir. Je vais également prendre conseil. J’ai une vie familiale à assumer. Il va falloir que je sois réactif parce que j’ai évidemment besoin de gagner ma vie".

"Nous nous sommes séparés comme ça arrive dans la vie d’une entreprise"
"Je n’ai rien à vous dire", avertit d’emblée Mgr Philippe Christory, évêque de Chartres depuis février 2018, interrogé sur l’émoi que soulève le licenciement du chantre de la cathédrale de Chartres. Estimant qu’il s’agit d’une affaire privée, il ne souhaite pas évoquer le dossier.
"Comme dans beaucoup d’entreprises avec des salariés, un jour, les gens se séparent. Eh bien du coup, nous nous sommes séparés."
À la question de savoir si l’Église est une entreprise comme une autre, l’évêque répond que "l’Église respecte les règles du travail. Nous travaillons avec sérieux. Nous demandons du sérieux aux gens. Nous nous sommes séparés comme ça arrive très souvent dans la vie d’une entreprise et celles des salariés".
Interrogé sur le fait qu’il n’y ait, semble-t-il, jamais eu autant de départs et de licenciements dans différents services de l’Église d’Eure-et-Loir que depuis qu’il a été nommé évêque, Mgr Christory répond : "C’est votre analyse, je ne la partage pas."
Sur le fait que cette situation puisse susciter un certain émoi au sein de la communauté catholique et au-delà, l’évêque confie : "Je peux comprendre, mais la vie continue. Je n’ai pas à commenter chaque dossier, par respect pour les personnes. Encore une fois, ce n’est pas un sujet."
Quant au fait qu’il puisse exister un malaise plus global au sein des salariés de l’Église en Eure-et-Loir, Philippe Christory indique : "Je n’ai pas connaissance du ressenti de chacun, mais je me sens en confiance avec beaucoup de mes salariés, notamment des responsables qui font un travail professionnel de qualité et qui demandent un travail professionnel de qualité. J’ai confiance en eux. Je sais qu’ils sont pros. L’Église prend soin de ses salariés autant qu’elle le peut et qu’elle le doit."

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François Feuilleux


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4 commentaires

Fidèle a posté le 25 septembre 2023 à 17h24

L'association Rencontres Romaines fondée il y a 50 ans à la Trinité des Monts par une religieuse du Sacré Cœur fait en ce moment la même expérience. Depuis son installation en ce lieu la Communauté de L'Emmanuel fait tout pour la virer et est sur le point d'y parvenir. On est bien loin des exhortations du Pape François. Cette Communauté n'est pas inclusive mais exclusive. Que tous ceux qui en font l'expérience en parlent!

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adine29 a posté le 25 septembre 2023 à 17h08

après le licenciement de l'attaché culturel Gilles FRESSON parti à L'office du tourisme de Chartres il y a quelques années, on écarte un chantre talentueux cheville ouvrière des Moments musicaux estivaux le dimanche soir à la cathédrale et de sa maîtrise ! ou comment se séparer du "bon grain" ?! incompréhensible et regrettable décision ! Pas très malin avant la célébration de son millénaire !

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