L’honorable David Lametti
Ministre de la Justice et procureur général du Canada
284, rue Wellington
Ottawa, Canada K1A 0H8

L’honorable Jean-Yves Duclos
Ministre de la Santé
Chambre des communes
Ottawa, Canada K1A 0A6


Messieurs les Ministres Lametti et Duclos,

En tant que chercheur.euse.s, clinicien.nes et expert.es dans le domaine du VIH, nous exhortons le Gouvernement du Canada à avancer rapidement afin de réaliser les réformes indispensables du Code criminel concernant la non-divulgation du VIH, en consultation avec le secteur du VIH et les communautés de personnes vivant avec le VIH.

Il est bien établi que le recours excessif au droit criminel à l’encontre de personnes vivant avec le VIH, en cas de non-divulgation de leur statut sérologique, n’est pas conforme aux données scientifiques actuelles sur la transmission du VIH. Il est également largement démontré que la criminalisation du VIH ne contribue guère à la réalisation des objectifs de santé publique. Au contraire, elle nuit aux personnes vivant avec le VIH et aux efforts de prévention, de dépistage et de traitement du VIH.

Selon l’état actuel du droit, de nombreuses personnes vivant avec le VIH au Canada restent à risque de poursuites pour non-divulgation du VIH et d’être condamnées et ce, même dans des cas où la possibilité de transmission du VIH est faible ou inexistante. Nous nous réjouissons que certain.es décideurs et décideuses politiques, procureur.es et tribunaux canadiens reconnaissent de plus en plus que les personnes vivant avec le VIH dont la charge virale est supprimée ne peuvent pas transmettre le VIH et ne devraient donc pas être poursuivies. Mais ceci n’est pas suffisant pour limiter l’utilisation abusive du droit criminel. Il faut que cela soit clairement inscrit dans la loi.

Nous notons également avec une profonde inquiétude que certains tribunaux refusent encore d’accepter que le fait d’avoir des rapports sexuels protégés par un condom ou de simples rapports sexuels oraux devrait exclure toute responsabilité criminelle. L’utilisation du condom réduit la possibilité de transmission de négligeable (tout au plus) à zéro, car le VIH ne peut pas passer à travers un condom intact. En outre, la possibilité de transmission associée au sexe oral se situe entre nulle et négligeable selon les circonstances. Il n’y a pas lieu de criminaliser une personne qui a pris la responsabilité de protéger son/sa partenaire et alors que les risques de transmission sont négligeables. Cela va à l’encontre des preuves scientifiques sur le VIH et des efforts de santé publique.
Par conséquent, il nous semble nécessaire de réitérer les conclusions formulées pour la première fois il y a près de dix ans dans l’Énoncé de consensus canadien sur le VIH et sa transmission dans le contexte du droit criminel (2014) et réaffirmées ensuite par des expert.es du monde entier dans lDéclaration de consensus d’expert.es sur la connaissance scientifique relative au VIH dans le contexte du droit pénal (2018). D’un point de vue statistique, il est largement admis que le VIH est un virus difficile à transmettre. Les lois relatives au VIH devraient s’aligner sur les abondantes données scientifiques et médicales concernant la possibilité de transmission du VIH dans diverses circonstances, en tenant compte de facteurs pertinents tels que la charge virale, l’utilisation de condoms et d’autres pratiques sexuelles plus sûres. En particulier, nous soulignons que les accusations criminelles liées à la non-divulgation du VIH ne sont jamais justifiées dans le cas d’activités représentant une possibilité négligeable de transmission, notamment : les rapports sexuels oraux, les crachats ou les morsures, les rapports sexuels anaux ou vaginaux avec condom ou les rapports sexuels anaux ou vaginaux sans condom lorsque la charge virale est faible ou supprimée. De nombreuses études de grande envergure ont montré que si une personne séropositive suit une thérapie antirétrovirale et a une charge virale faible ou supprimée, le risque de transmission lors de rapports sexuels oraux, anaux ou vaginaux sans condom est nul. En outre, nous soulignons que l’avènement de thérapies antirétrovirales a considérablement amélioré l’espérance de vie moyenne des personnes vivant avec le VIH et a contribué à transformer le VIH en un trouble de santé chronique gérable. Cela aussi doit être reconnu en droit.
Outre les données médicales sur la transmission du VIH, d’importantes recherches en sciences sociales font état des préjudices et des violations des droits humains découlant de la criminalisation du VIH. La recherche montre que la criminalisation du VIH amplifie la stigmatisation liée au VIH et les risques de discrimination, de menaces, de violence et de harcèlement.

Les communautés noires, autochtones et gaies sont touchées de manière disproportionnée par les poursuites ou le risque de poursuites en lien avec le VIH. De même, la criminalisation du VIH aggrave les inégalités de genre, exposant les femmes vivant avec le VIH à un risque accru de violence, de menaces et de coercition. Plusieurs études, y compris au Canada, ont également montré que la criminalisation dissuade des gens de se faire dépister, de connaître leur statut sérologique et d’accéder aux soins et aux traitements, entravant ainsi l’efficacité des réponses de santé publique à l’épidémie de VIH. La « criminalisation disproportionnée de la non-divulgation de la séropositivité » a également pour effet d’alimenter la désinformation et la stigmatisation – comme l’a reconnu votre gouvernement il y a déjà plus de six ans – et de donner au public une impression inexacte et trompeuse de la possibilité réelle de transmission du VIH. La criminalisation est néfaste pour les droits humains et elle va à l’encontre des efforts de santé publique visant à répondre de manière adéquate et efficace au VIH.
Les preuves continuent de s’accumuler. Il est nécessaire d’agir sans plus tarder pour mettre fin aux conséquences graves de la criminalisation du VIH au Canada. Le Canada doit respecter son engagement d’atteindre les cibles 95-95-95 d’ici 2025. Ces cibles ont été définies au Canada et sont désormais mondialement acceptées. Elles guident le déploiement mondial des thérapies antirétrovirales pour « mettre fin au sida en tant que pandémie d’ici 2030 ». Les « catalyseurs sociaux » d’une riposte efficace au VIH sont tout aussi importants : la Stratégie mondiale de lutte contre le sida 2021-2026 de l’ONUSIDA, approuvée par le Canada et tous les autres États membres lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, appelle les pays à éliminer les lois, politiques et pratiques punitives qui perpétuent les inégalités et portent atteinte aux droits humains, y compris la criminalisation du VIH. Le Canada peut et doit aussi jouer un rôle dans la réalisation de ces objectifs d’ici 2025. De nombreux acteurs internationaux dans le domaine de la santé et des droits humains (notamment l’ONUSIDA, le PNUD, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé, la Commission mondiale sur le VIH et le droit, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et la Commission internationale de juristes) ont décrit à plusieurs reprises les lois punitives, y compris la criminalisation du VIH, comme constituant des obstacles majeurs à la prévention, aux soins et au soutien en matière de VIH, et ont insisté pour qu’elles soient abrogées ou réformées.

Nous demandons au Gouvernement du Canada de mettre fin au recours excessif au droit criminel à l’encontre des personnes vivant avec le VIH dans ce pays. Nous vous demandons instamment de le faire conformément aux meilleures preuves disponibles. Enfin, nous vous demandons d’impliquer et de consulter de manière significative des expert.es compétent.es et les communautés les plus touchées dans tout le processus d’élaboration de la législation.

Mona Loutfy, MD FRCPC MPH
Julio SG Montaner, MD FRCPC
Colin Hastings, professeur adjoint
Eric Mykhalovskiy, professeur
Andrea Kürsi, professeure adjointe
Martin French, professeur

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Marianne Harris, médecin
Denielle Elliott, professeure agrégée
Nick Mulé, doctorat professeur
Rod Knight, professeur adjoint
Kate Frohlich, professeure
Dana Seif, étudiante au doctorat
Jennifer Kilty, professeure
Frances Maranger, étudiante au doctorat
Mike Palamarek, professeur adjoint
Ross Upshur, professeur
Olivier Ferlatte, professeur adjoint
David A.B. Murray, professeur
Dr. Gary Kinsman, professeur émérite
Naomi Nichols, professeur agrégé et titulaire d'une chaire de recherche du Canada
Nathan Lachowsky, professeur agrégé
Sarah Flicker, professeure
Trevor Hart, PhD, CPsych, professeur
Emily van der Meulen, professeure
Richard Fung, professeur émérite
Mary Louise Adams, professeure
Dave Holmes, professeur et titulatire d'une chaire de recherche universitaire
David Hall, médecin de famille
Kanna Hayashi, professeure agrégée et titulaire de la chaire de recherche St. Paul's Hospital in Substance Use Research
Dr. Peter Phillips, professeur, division des maladies infectieuses
Rolando Barrios, médecin
Zabrina Brumme, professeure
Kate Shannon, professeure
Neora Pick, spécialiste des maladies infectieuses
Ryan McNeil, professeur agrégé
Robert Hogg, professeur
Laura Bisaillon, professeure agrégée
Viviane Namaste, professeure
Liam Michaud, étudiant au doctorat, chercheur
Eli Manning, professeure agrégée
Barry Adam, professeur émérite
Katarina Bogosavljevic, étudiante au doctorat
Michael Orsini, professeur
Daniel Grace, professeur, agrégé
Dr. Sophie Patterson
Suzanne Hindmarch, professeure agrégée
Charlene Aubé, directrice
Guillaume Bégin, directeur général
Mylène St-Pierre, directrice
Bluma Brenner, professeure adjointe, responsable de la recherche auprès de l'Institut Lady Davis
Jean-Guy Baril, médecin, professeur agrégée
Valerie Nicholson, chercheuse communautaire
Chris Sanders, professeure agrég&
Carol Strike, professeure
Alexander McClelland, professeur adjoint
Louise Charest, médecin
Flo Ranville, intervenante en services de soutien aux pairs vivant avec le VIH

Darren Lauscher, PVVIH, chercheur
Isabelle Boucoiran, obstétricienne-gynécologue, professeure agrégée de clinique
Joanne Otis, professeure
Marissa Becker, professeure
Éric A. Cohen, professeur
Stephen Juwono, étudiant à la maitrise
Marilou Gagnon, professeure
Emily Bobe, coordinatrice générale, Centre d'Action Sida Montréal
Sylvain Beaudry, travailleur communautaire
Nicolas Chomont, professeur agrégé
Jorge Luis Flores, assistant de recherche
Mathieu Maheu-Giroux, professeur agrégé, Chaire de recherche du Canada (Tier 2) en modélisation de la santé des populations
Michel J. Tremblay, vice-recteur adjoint aux services à la recherche, à la création et à l'innovation
Vincent Roy Landry, directeur général, Centre des R.O.S.É.S. de l'Abitibi-Témiscamingue
Ilyse Darwish, spécialiste des maladies infectieuses
Rejean Thomas, médecin
Adrian Guta, professeur agrégé
Ken Monteith, directeur général
Marina Klein, professeure de médecine
Gregory Deans, spécialiste des maladies infectieuses
Cynthia Wright, professeure agrégée
Jean-Pierre Routy, MD
Jeffrey Aguinaldo, professeur agrégé
Ameeta Singh, professeure de clinique
Troy Grennan, spécialiste des maladies infectieuses
Susan Ackland, MD
Gordon Arbess, MD
Jonathan Angel, professeur
Claude Fortin, microbiologiste-infectiologue
Leigh McClarty, boursière en recherches postdoctorales
Maria Pilar Ramirez Garcia, professeure agrégée
Pascal Bédard, pharmacien
Carla Doyle, candidate au doctorat en épidémologie
Deborah Kelly, professeure
Darrell Tan MD FRCPC PhD, clinicien-scientifique
James Stannah, étudiant au doctorat
Linda Robinson, pharmacienne spécialiste du VIH
Jacqueline Myers, pharmacienne
Amanda Butt, gestionnaire de recherche
Erin Ready, spécialiste en pharmacie clinique du VIH
Benoît Lemire, pharmacien
Bonnie Sydora, infirmière diplômée
Jennifer Hawkes, pharmacienne clinicienne
Robert Gair, pharmacien
Pam Nickel, pharmacienne clinicien, programme VIH
Caitlin Olatunbosun, pharmacienne
Alice Tseng, professeur agrégé
Zoë Osborne, coordinatrice de la recherche communautaire
Denise Kreutzwiser, pharmacienne
Cheuk Wai Tara Luk, pharmacienne d'hôpital
Chris Tatham, professeur adjoint
Geneviève Boily, conseillère scientifique
Sadie Gilker, assistante de recherche
Andrew Pinto, professeur agrégé
Malika Sharma, médecin, FRCPC MEd
Jean Bacon, directrice générale
Karen Herland, facultée
Tessa Senneker, pharmacienne
Michelle Fortin, directrice générale
Sarah Aspinall, infirmière diplômée retraitée
Folasade Olaniyan, étudiante en médecine
Océane Jasor, professeure adjointe
J. Evin Jones, directrice générale
Jordan Arseneault, Coordinateur
Nicole Kimball, infirmière diplômée
Nicholas Sosulski, Pharm.D.

Stéphanie Laporte, coordonnatrice
Mariève Hurtubise, psychologue, programme des maladies infectieuses
Tracey Stevenson, infirmière diplômée
Zahra Jamal, ergothérapeute
Michelle Burke, Infirmière en maladies infectieuses/VIH
Saba Poursasan, coordinatrice de la recherche
Marcia Stirling, infirmière diplômée
Joanna Binch, Infirmière Praticienne
Ahmed Bayoumi médecin, FRCPC, professeur
Tim O'Shea, Professeur agrégé
Annie Lemay, Médecin
Jorge Martinez-Cajas, Médecin, FRCPC
Lee Tracy II, infirmière diplômée
Lucie Dufour, Infirmière clinicienne
Elizabeth Lavoie, Infirmière Praticienne
Santiago Perez Patrigeon, professeur adjoint
Shari Nakamura, pharmacienne clinicienne
Sarah Hayes, diététicienne diplômée
Evelyn Marquis, infirmière diplômée
Sarah Partridge, médecin
Jason Brophy, médecin spécialiste des maladies infectieuses en pédiatrie
Stanley Read médecin, FRCPC, professeur
Kora DeBeck, professeure agrégée
Helene Cote, professeure
Angela Kaida, professeure
Naureen Siddiqui, Responsable de la prévention des infections
Adrienne K. Chan, professeure agrégée, MD, MPH, FRCPC
Sheliza Halani, médencin, résidente
James Owen, médecin
Caroline Jeon, médecin, CCFP
Janine McCready, médecin, FRCPC
Anna Banerji, médecin, professeure agégée, pédiatrie maladies infectieuses, Santé publique
Mara Waters, Résident en maladies infectieuses
Amila Heendeniya, médicin
Beverly Wudel, spécialiste des maladies infectieuses
Tina Ustad, pharmacienne
Michael Adia, MSW, RSW, travailleur social dans le domaine du VIH
David Brennan, professeur
Sue Hranilovic, Infirmière praticienne en soins de santé primaires
Freddy Gauthier, médecin, professeur
Serge Côté, infirmier
Aestus Rogers, infirmière diplômée
Charlie Guiang, médecin, CCFP, FCFP, professeur agrégé
Melanie Murray, médecin, doctorat, FRCPC
Keven Provencher, infirmier praticien spécialisé en soins de première ligne
Rupert Kaul, clinicien-scientifique
Suzanne Marcotte, B.pharm M.Sc

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