Question : qu’y a-t-il de plus bruyant qu’une piscine le jour où les classes de primaire viennent en rangs serrés s’initier à la natation ? Réponse : la salle Pleyel, le jour où les mêmes classes de primaire viennent en rangs serrés s’initier à la musique symphonique.

Devant la scène encore vide sur laquelle trône un grand piano à queue entouré des chaises et pupitres de l’orchestre, les enfants s’agitent, s’interpellent et se houspillent dans un brouhaha où dominent les fréquences aiguës !

Peu de voix de contrebasse au milieu de ces pépiements joyeusement stridents que vient interrompre soudain l’annonce de rigueur au début de tout concert : « Bienvenue salle Pleyel… pensez à éteindre vos téléphones portables… merci de ne pas photographier ni filmer. »

« concerts éducatifs »

Quelques injonctions des enseignants plus tard, le silence s’est à peu près installé et Marie Poulanges fait son entrée, vêtue comme une charmante fée un peu rétro avec sa couronne de fleurs sauvages, sa chemise blanche à jabot et ses bottines de Mary Poppins.

Altiste depuis quinze ans à l’Orchestre de Paris, la jeune femme endosse le rôle de maîtresse de cérémonie pour trois des neuf « concerts éducatifs » et un des sept « concerts en famille » proposés par le service d’action culturelle de la phalange symphonique (1).

« Dès que l’Orchestre m’a fait cette proposition, je me suis sentie un sincère appétit à faire découvrir aux jeunes ce monde un peu étrange qui est le nôtre, explique la musicienne. C’est banal à dire mais la formation du public de demain se joue dans ces activités pédagogiques. J’essaie tout simplement de désacraliser un peu l’univers classique tout en préservant sa magie, sa rareté. »

Aidée de tous ses collègues de l’orchestre qui, pupitre après pupitre, pénètrent sur le plateau prestigieux de Pleyel, Marie Poulanges remporte un franc succès, un triomphe même, lorsqu’elle appelle quelques jeunes volontaires pour lui prêter main-forte lors de sa démonstration sur la différence entre tonalité majeure et tonalité mineure.

Confronter les enfants aux rites de la musique classique

Des centaines de doigts se lèvent parmi lesquels la musicienne choisit une poignée d’enfants surexcités à l’idée de monter sur scène ! « Il est essentiel que les jeunes soient aussi acteurs lors des concerts. Mais pas n’importe comment : nous essayons de leur faire comprendre quels en sont les codes particuliers, différents de ceux d’un match de sport mais tout aussi précis… Je crois essentiel de les confronter aux rites de la musique classique plutôt que de chercher à les nier. »

On n’écoute pas une symphonie de Haydn ou un concerto de Mozart (le merveilleux pianiste Menahem Pressler, au toucher d’elfe, a accepté de participer à la séance du jour) comme une chanson. Une partition classique s’aborde comme une traversée, rythmée de mouvements contrastés, de plages très douces et d’orages qui se déchaînent.

« Salut Mozart ! »

Marie Poulanges isole telle ou telle ligne de cordes, telle ou telle cellule mélodique lancée par les instruments à vent, pour éclairer son jeune public sur la manière dont le compositeur agence, superpose, combine ces divers éléments. « Écoutez bien : le piano et l’orchestre dialoguent comme dans une conversation. Tantôt ils chuchotent, tantôt ils haussent le ton pour mieux se faire entendre. » « Salut Mozart ! », s’exclame en riant un garçon tout blond.

Même si l’enthousiasme du jeune auditoire n’est pas unanime – on voit çà et là quelques bâillements, quelques mimiques moqueuses ou, à l’inverse, quelques mines renfrognées –, la grande majorité des enfants semble conquise par l’expérience… et pas uniquement les chanceux qui ont pu briller un instant sous le feu des projecteurs, au milieu des instrumentistes.

La découverte d’un orchestre symphonique reste un choc sonore avec ses violoncelles grondants et ses flûtes déliées, ses clarinettes moelleuses et ses violons volubiles qui jouent « en vrai », sans l’aide de micros. Il faut parfois tendre l’oreille tant ils cherchent à se rapprocher du silence ; puis, tout à coup, les voici qui se lancent à l’assaut dans une tempête de timbres éclatants jouant fortissimo !

« Jeudi 13 décembre, je présenterai notamment une symphonie de Tchaïkovski puis, en février, les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, une œuvre incroyable avec des moments d’une puissance rutilante qui déménage », annonce Marie Poulanges. Effet garanti auprès des écoliers !

Une panoplie d’actions culturelles

Pilotées par Chahinez Razgallah, ancienne professeur d’anglais qui a mis son amour de la transmission au service de la musique, les actions culturelles et pédagogiques de l’Orchestre de Paris se déclinent selon différents axes. Outre les « concerts éducatifs » ou « en famille » (respectivement le jeudi et le samedi matin), une série « Musique de chambre pour les maternelles », en collaboration avec les enseignants et les conseillers pédagogiques de la Ville de Paris, s’adresse aux plus jeunes.

À la carte, alliant partage artistique et engagement social, plusieurs résidences en Île-de-France, partenariats avec l’association Musique et Santé ou « projets intergénérationnels » impliquant l’Orchestre et son chœur complètent cette panoplie. « Nous travaillons de plus en plus dans l’optique de la Philharmonie de Paris, dont l’Orchestre sera l’un des principaux acteurs, notamment dans le domaine de la pédagogie et de l’échange avec les nouveaux publics », explique Chahinez Razgallah.

Rens. : 01.42.56.13.13. et www.orchestredeparis.com