La science économique au service de la société

Comment établir un mécanisme de classement basé sur l’amitié ?

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Francis Bloch* et Matthew Olckers

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Il est très fréquent que l’on demande aux agents d’établir un classement de leurs pairs. Dans le cadre de certaines MOOC, on encourage les étudiants à s’évaluer mutuellement. Dans les comités de programmation et les comités de rédaction de revues, les membres établissent un classement des articles de leurs confrères. Dans les villages de pays en développement, il est demandé aux habitants de se classer les uns les autres en fonction des ressources ou des compétences de chacun. Bien que ces méthodes soient courantes, il existe très peu d’études théoriques sur les propriétés (positives) des méthodes existantes et les recommandations (normatives) à suivre pour obtenir des procédures optimales.

Dans cet article théorique, Francis Bloch et Matthew Olckers étudient un problème de conception de mécanisme en cas d’information ordinale (les agents peuvent uniquement classer d’autres agents, mais sans leur attribuer de valeur cardinale) et locale (les agents n’observent que les agents qui les entourent dans un réseau social). De plus, ils se penchent sur le réseau d’observation qui décrit ce que chaque agent perçoit, qui peut être déterminé de façon exogène (le réseau social du village) ou conçu de manière endogène (documents d’évaluation confiés aux examinateurs), et caractérisent les réseaux pour lesquels il est possible de construire un mécanisme aux propriétés incitatives et efficaces. Les auteurs examinent d’abord les situations dans lesquelles le concepteur du mécanisme peut obtenir un classement complet de tous les agents en mutualisant l’information locale de tous les membres de la société. Ils montrent que le réseau doit être conçu de manière à ce que, pour toute paire d’agents, il existe un troisième agent (l’« ami ») qui les observe tous deux. Les classements sont ensuite obtenus en écoutant des amis qui ne peuvent pas améliorer leur propre position en mentant sur le classement d’autres agents. Il est intéressant de noter que le réseau le moins dense pour lequel un classement complet peut être établi serait qualifié de « moulin à vent néerlandais », avec un agent central et des voiles constituées de deux agents. Dans le moulin à vent néerlandais, l’agent central établit un classement de tous les autres agents, alors que les agents des voiles se classent mutuellement avec l’agent central. Lorsque le réseau est moins dense, il peut être impossible d’obtenir un classement complet, et le concepteur du mécanisme doit arbitrairement classer des agents incomparables. F. Bloch et M. Olckers proposent une condition nécessaire et suffisante pour que le planificateur puisse utiliser toutes les données contenues dans les informations locales des agents : le réseau doit être composé de triangles. Si le réseau contient des liens qui ne sont pas articulés en triangle, alors les agents sont incités à mentir, et certaines informations seront perdues. Par exemple, dans un modèle en étoile, le centre peut être utilisé pour classer tous les autres agents, mais celui-ci ne peut faire l’objet d’un classement par aucun autre agent.

Les auteurs illustrent ensuite leurs résultats théoriques par des données recueillies en Inde et en Indonésie sur des réseaux de villages. Ils démontrent ainsi combien il est aisé d’extraire de l’information en étudiant le nombre de comparaisons apparaissant à l’intérieur et entre des triangles. Les données révèlent que, même lorsque le nombre de liaisons est égal, les réseaux de villages en Indonésie contiennent plus de triangles que les réseaux de villages en Inde, ce qui facilite l’extraction des informations.

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Titre original : Friend-based ranking (Working Paper)
Disponible sur : https://arxiv.org/abs/1807.05093

Crédit photo : Ken Stocker (Shutterstock)